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Le mercredi 18 septembre 2024, les autorités haïtiennes ont annoncé la nomination de sept des neuf membres du nouveau Conseil Électoral Provisoire (CEP). Cet organe est chargé d’organiser les prochains scrutins dans le pays. L’arrêté désignant ces membres a été publié en fin de journée, à l’issue d’un conseil des ministres où les noms de sept personnalités, issues de différents secteurs de la société, ont été validés.
Après des mois de tergiversations, le Président du Conseil Président de Transition, Monsieur Edgard LEBLANC Fils, accompagné des Conseillers-Présidents, et du Premier Ministre, Monsieur Garry CONILLE, a annoncé avoir pris l’arrêté désignant les membres du CEP, suite à un conseil des ministres.
Les personnalités choisies sont :
– Jacceus Joseph (secteur paysan)
– Schnaïda Adely (secteur vaudou)
– Nemrod Sanon (secteur syndical)
– Florence Mathieu (secteur universitaire)
– Patrick Saint-Hilaire (secteur catholique)
– Jacques Desrosiers (secteur presse)
– Peterson Pierre-Louis (secteur protestant)
Cependant, il manque toujours deux membres issus des secteurs des Droits Humains et des Femmes. Le secteur des femmes n’a pas encore réussi à s’accorder sur un(e) représentant(e), tandis que le représentant élu du secteur des Droits Humains, Monsieur Gédéon Jean, s’est vu exclu du CEP.
L’exclusion de Gédéon Jean a suscité une vive réaction. L’Ordre des Défenseurs des Droits Humains (ORDEDH, a dénoncé, en conférence de presse ce jeudi 19 septembre, cette décision, qu’il considère comme une manœuvre orchestrée par Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). Selon Dabenzky Gilbert, représentant de l’ORDEDH, Pierre Espérance a utilisé Fritz Jean pour évincer Gédéon Jean, autrefois son protégé.
L’objectif de ce nouveau CEP est clair : organiser des élections pour doter Haïti de nouveaux dirigeants d’ici le 7 février 2026. Toutefois, cette mission s’avère d’autant plus complexe dans un contexte de crise sociopolitique exacerbé, où la stabilité politique est loin d’être garantie.
D’autres en plus, le pays est gangrené par des groupes armés qui contrôlent la majeure partie de Port-au-Prince, la capitale, et répandent la terreur au sein de la population.
Dans ces conditions, il est donc légitime de demander quelles élections sont possibles aujourd’hui ?
Cette nomination, loin de rassurer la population et les acteurs politiques, vient plutôt renforcer les doutes sur l’issue de ce processus qui, sans véritable transition, pourrait aggraver la situation du pays.
Les élections en Haïti, une source d’instabilité politique
Dans un pays marqué par une succession de gouvernements de transition, les élections n’ont cessé d’être une source d’instabilité. Au lieu d’apporter les changements espérés, elles sont souvent perçues comme des exercices de façade, largement influencées par des forces extérieures, en particulier les États-Unis. Cette nouvelle tentative de mise en place d’un CEP omni pretio, après la visite du secrétaire d’État américain en Haïti, Antony Blinken, le 5 septembre dernier, s’inscrit, à bien des égards, dans une dynamique similaire.
L’absence de véritables réformes pour remettre sur pied les institutions de l’État, combinée à la pression internationale pour organiser des élections illico presto, rend cette transition, menée par ce conseil de neuf membres, encore plus fragile. Pour de nombreux observateurs, cette précipitation est vouée à l’échec et ne résoudra en rien la profonde crise que traverse Haïti.
Le poids des scandales de corruption au sommet de l’État
En plus de l’incapacité à former un CEP complet, l’actuelle transition est entachée par des scandales de corruption. Trois membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire, se trouvent actuellement au cœur d’une vaste affaire de corruption administrative, minant ainsi la crédibilité de l’organe chargé de superviser cette phase critique du pays.
« Ce cas de corruption est une preuve palpable que le CPT n’a pas la crédibilité de conduire le processus électoral » a déclaré Wadner Edouard, président du parti politique Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP), en conférence de presse le lundi 29 juillet 2024.
Cette nouvelle controverse plonge encore plus Haïti dans le chaos. Dans un contexte où la méfiance envers les dirigeants est généralisée, les accusations de malversations au plus haut niveau de l’État jettent une ombre sur le processus électoral à venir.
Une crise de plus en route ?
Pour la majorité des citoyens haïtiens, les élections ne représentent plus un véritable espoir de changement. Elles sont perçues comme des rituels vides de sens, organisés davantage pour satisfaire la communauté internationale que pour répondre aux besoins du peuple. Les problèmes structurels du pays, liés à la pauvreté, à l’insécurité, et à la mauvaise gouvernance, restent intacts.
« Le pays n’a pas faim ni soif d’élections », affirment certains acteurs. Selon eux, ce projet électoral, lancé sans une réelle transition démocratique et institutionnelle, ne fera qu’aggraver la situation déjà explosive du pays.
Que peut faire réellement le CEP ?
Dans ce contexte, une question demeure : que peut véritablement faire le CEP pour inverser cette spirale infernale ? Avec une composition incomplète, des scandales de corruption qui entachent la légitimité du Conseil présidentiel de transition, et un climat général d’instabilité politique et sécuritaire, les chances d’organiser des élections transparentes et démocratiques semblent illusoires.
Ce Conseil Électoral Provisoire, lui-même né d’une crise interne, se heurtera à une réalité politique d’une complexité extrême, où la gouvernance est caractérisée par l’incapacité à résoudre les crises majeures du pays, notamment le « rétablissement de la sécurité publique », qui fait partie de ses missions essentielles.
Le peuple haïtien, fatigué des promesses non tenues, finira par agir comme le juge suprême. Oui, à un certain moment, la cloche sonnera. Ni les membres du CPT, ni Garry Conille et ses cliques n’auront d’autre choix que de tirer la révérence.
Sans une véritable transition politique et un engagement sincère des dirigeants à entreprendre des réformes profondes, les prochaines élections risquent de reproduire les mêmes échecs. Le conseil présidentiel et le Premier ministre Garry Conille se montrent, jusqu’à présent, « incapables d’enrayer la dégradation sécuritaire et le marasme économique. » Ainsi, l’histoire se répète et continuera de le faire tant que rien ne changera. Comme l’a dit Albert Einstein : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent. »
Par : Wilsonley SIMON