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Auteur : Wilsonley SIMON

Le temps, allié de l’homme, et l’anniversaire, une ode à son passage 

Réponse à Ernéus Makenson 

D’emblée, je dois dire que j’ai pris beaucoup de plaisir à lire votre texte. L’angle que vous avez choisi est tellement audacieux que j’en ai été moi-même abasourdi. Je suis de ceux qui aiment aller à contre-courant, et à mon avis, votre texte s’inscrit parfaitement dans cette lignée. Cependant, je tiens à exprimer mes désaccords avec vos idées et à vous faire part de mes objections.

Dans votre texte, vous peignez le temps comme un tyran impitoyable, un bourreau silencieux qui détruit tout sur son passage. Votre analyse, aussi sombre qu’élégante, repose sur une prémisse contestable : que l’anniversaire est un piège, une illusion déplorable qui nous enferme dans un pacte mortifère. Pourtant, vous oubliez que le temps, loin d’être un ennemi, est le théâtre même de notre humanité, et que l’anniversaire, bien loin d’un contrat absurde, est une victoire symbolique sur cette force inéluctable.

Vous dénoncez également le caractère répétitif et inexorable du temps, et pourtant, c’est précisément dans cette répétition que réside la beauté de l’anniversaire. Chaque cycle accompli est une chance pour l’individu de s’arrêter, non pas pour se lamenter sur le temps qui passe, mais pour se réjouir d’avoir traversé une autre année d’expériences, d’apprentissages, et de luttes. Philosophiquement, Emmanuel Kant nous enseigne que l’homme, à travers sa raison, transcende la linéarité du temps naturel. L’anniversaire, à mon humble avis, n’est pas un piège, mais une réaffirmation de notre capacité à donner du sens à notre passage sur Terre. 

Ce moment (l’anniversaire) est l’occasion de gratitude envers le temps, qui n’est plus vu comme un ennemi, mais comme un allié qui nous permet de construire notre histoire. C’est aussi une célébration de notre survie dans un monde où rien n’est garanti, une chance de se reconnecter avec les autres et avec nous-mêmes.

La société et le rituel : une nécessité humaine

Vous rejetez l’idée même de célébrer un anniversaire, réduisant ce moment à une simple hypocrisie passagère où les amis et les cadeaux ne seraient que des apparences. Pourtant, en agissant ainsi, vous passez à côté de l’essence même de ces célébrations : leur dimension sociale et symbolique.

Étant votre camarade en anthropo-sociologie à la Faculté d’Ethnologie, j’estime avoir le droit — ou du moins le devoir — de vous rappeler que les rituels ne sont jamais anodins. Dans Essai sur le don (1925), Marcel Mauss démontre que l’échange de cadeaux repose sur une dynamique de réciprocité essentielle à la cohésion sociale. Offrir un présent ou recevoir une marque d’affection à l’occasion d’un anniversaire ne se réduit donc pas à un simple geste matériel ; c’est un acte symbolique qui participe à l’intégration sociale et au renforcement des liens affectifs.

Selon la théorie du don et du contre-don développée par Mauss, tout cadeau implique une obligation implicite de rendre. Ainsi, un cadeau d’anniversaire ne relève pas uniquement de la générosité individuelle, mais s’inscrit dans un cycle d’échange qui nourrit et structure les relations. Cette logique de réciprocité tisse un dialogue silencieux entre le donneur et le receveur, un échange chargé de gratitude, d’affection, mais aussi parfois de tensions et de non-dits.

Ainsi, l’anniversaire, loin d’être une mascarade sociale, est un rite de passage qui réaffirme nos liens avec les autres et notre place dans la société. Le fait que ces marques d’affection se concentrent autour d’une date précise ne les rend pas artificielles. Elles rappellent simplement que, dans un monde où le temps est fragmenté et les priorités dispersées, nous avons besoin de moments fixes pour nous retrouver. L’anniversaire est un repère, un point d’ancrage, une manière de lutter contre l’oubli et l’isolement.

Un pacte avec la vie, pas avec la mort

Votre métaphore du « contrat avec le temps » est éloquente, mais elle est erronée. Vous réduisez l’existence à un compte à rebours macabre, oubliant que le temps n’est pas seulement destructeur ; il est aussi créateur. Chaque année qui passe est une opportunité de bâtir quelque chose de nouveau, de contribuer à un projet, d’aimer, de rêver. Comme le disait Albert Camus dans Le Mythe de Sisyphe, « Il faut imaginer Sisyphe heureux. » Nous savons que la vie est éphémère, mais c’est précisément cette conscience de notre finitude qui donne un sens à nos actions.

À cet effet, la date d’anniversaire est un rappel annuel de notre finitude. L’homme, conscient de sa mortalité, choisit de profiter de son temps, de se réjouir et de vivre selon ses désirs, sans pour autant être esclave du temps, comme vous le croyez.

Vous, en revanche, comme tant d’autres, redoutez la finitude de la vie. Vous craignez la mort, alors qu’elle est une loi inéluctable à laquelle nul ne peut échapper.

Fêter son anniversaire n’est pas un acte de soumission au temps. Au contraire , c’est  un acte de rébellion joyeuse. C’est proclamer : « Oui, je vieillis, mais j’existe, et j’embrasse cette existence avec tout ce qu’elle comporte. »

Vous demandez : « Où est passé votre visage de 20 ans lorsque vous atteignez la soixantaine ? » Permettez-moi une réponse sarcastique : il est là, dans les souvenirs que vous portez, dans les rides qui racontent vos histoires, et dans les sourires des personnes que vous avez aimées.

Pensez que le vieillissement est une déchéance révèle d’une ignorance qui ne dit pas son nom. Vieillir est une accumulation de richesse intérieure. L’anniversaire est un musée vivant de nos expériences, et chaque année ajoutée est une nouvelle pièce à ce musée. 

Cher frère, votre critique de l’anniversaire est séduisante par sa noirceur, mais elle oublie que le temps, ce prétendu bourreau, est aussi le plus fidèle des compagnons. L’anniversaire n’est pas un piège, mais un hommage rendu à ce compagnon invisible. Il n’est pas un contrat morbide, mais un acte d’amour envers la vie. Car au fond, comme le disait Nietzsche, « celui qui a un pourquoi pour vivre peut endurer presque tous les comment. »

L’anniversaire est précisément ce moment où, malgré les ravages du temps, nous retrouvons ce pourquoi. Et rien ne pourra nous en priver. 

Par : Wilsonley SIMON

simonwilsonley35@gmail.com

Références bibliographiques

• Camus, A. (1942). Le mythe de Sisyphe. Paris : Gallimard. (« Il faut imaginer Sisyphe heureux », chapitre IV : Le mythe de Sisyphe).

• Kant, E. (1781/1787). Critique de la raison pure. (Trad. A. Tremesaygues & B. Pacaud, 1905). Paris : PUF, 1993. (Voir « Esthétique transcendantale », partie sur le temps).

• Mauss, M. (1925). Essai sur le don : Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques.Paris : PUF.

• Nietzsche, F. (1889). Crépuscule des idoles, ou Comment philosopher à coups de marteau. (Trad. J.-C. Hémery, 1975). Paris : Gallimard, coll. « Folio Essais », 2007. (« Celui qui a un pourquoi pour vivre peut endurer presque tous les comment », Maximes et flèches, §12).

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