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Entre Lalue et Chemin des Dalles, devant les locaux de la CONATEL, le corps sans vie de Jean Dramane Simon gît sur le sol, figé dans une posture tragique. Il est 9 heures du matin. Le béton froid porte les traces d’une nuit sanglante, marquée par les stigmates d’une exécution froide : plusieurs balles ont été tirées à bout portant, laissant son crâne criblé. Autour de lui, une rigole stagnante et une pile de détritus ajoutent une touche sinistre à ce tableau macabre, une scène qui témoigne de la violence sans répit qui continue de secouer Port-au-Prince.
Jean Dramane Simon, ancien étudiant de la Faculté d’Éthnologie (FE), promotion Jean Jacques Dessalines (2008-2012) en Anthropo-Sociologie et cadre au Ministère à la Condition Féminine et aux Droits des Femmes, a été retrouvé mort ce lundi 9 septembre 2024.
La nouvelle a frappé de plein fouet ses camarades, qui l’ont apprise via les réseaux sociaux, relayée par un autre étudiant de l’Université d’État d’Haïti (UEH) ayant découvert le corps sans vie de Dramane ce matin-là. L’avenue Christophe, lieu sinistre de ce drame, murmure que cet acte odieux a probablement été commis durant la nuit du 8 septembre.
Il était environ midi quand sa sœur est arrivée sur les lieux, elle s’est trouvée face à une scène insoutenable. Le choc, la peine, et l’incompréhension se sont entremêlés, donnant lieu à des scènes de désespoir intense.
« Dramane kite lakay la yè men jodi a m jwenn li mouri », a déclaré sa sœur, en larmes.
Un étudiant de la Faculté d’Ethnologie a confirmé à notre rédaction avoir tenté de contacter des juges de paix pour obtenir un constat légal du cadavre. Cependant, ses efforts se sont heurtés à l’indifférence et à l’abandon. Cela a causé l’exposition tardive du corps de la victime au soleil pendant la moitié de la journée.
« M pa frekante zòn sa yo » lui a déclaré un juge.
Contacté en dernier recours, ce juge a refusé de se rendre sur place, mais autorisé la famille et les pompes funèbres à enlever le corps. C’est comme si cette vie brisée n’avait plus aucune valeur aux yeux des autorités.
« Avant que les conflits de gangs ne l’obligent à quitter Solino pour se réfugier à Lalue, dans la zone de Ravine Pintade, Dramane avait connu des jours paisibles dans ce quartier vibrant de vie, » nous raconte un proche qui souhaite rester anonyme. Hélas, c’est au mois même de son anniversaire, le 23 septembre, que son existence s’est tragiquement éteinte à l’âge de 39 ans. Ô combien ce mois de septembre, qui devait célébrer chaque année sa renaissance, devient désormais le cadre cruel de sa disparition, ce qui laisse une empreinte poignante sur le souvenir d’une vie interrompue trop tôt.
Dans la foulée, des camarades expriment leur douleur sur les réseaux sociaux, pleurant la mort tragique de Dramane. « Jodi a, menm si ou travèse nan yon lòt dimansyon, nou menm kanmarad Fakilte Etnoloji toujou avèk ou nan kè nou. Nou pap janm bliye jan ou te toujou ap fè nou ri, jan ou te pote lajwa ak lespwa nan mitan nou. Pòtoprens fèmen pòt li pou ou, men lespri ou ap toujou lib, ap toujou vivan nan memwa nou », a écrit Éden Junior Céléus sur son compte Facebook.
« Jean Dramane Simon te yon nèg saj. Imaj mwen gen de li se yon moun ki toujou ap ri. Ou te ka menm di l ap ri san sans », a posté Ghislaine Joseph, précisant que le défunt a été son ami à la Faculté d’Ethnologie.
Emmanuel Stéphane Laurent, également appelé « L’homme », ancien camarade de Dramane et actuellement chargé de cours à l’UEH, a déploré ce crime crapuleux commis contre son camarade en Anthropologie-Sociologie. « Lari Pòtoprens manje Jean Dramane Simon », a-t-il écrit.
Les circonstances de cette mort tragique demeurent floues et probablement le resteront. L’état de délabrement du système judiciaire en Haïti rend toute enquête illusoire, toute justice improbable. De ce fait, la mort de Dramane, comme tant d’autres avant lui, sera probablement engloutie dans les méandres d’une insécurité rampante et d’un laxisme institutionnel sans précédent.
Dans ce pays où le chaos semble avoir pris le pas sur toute forme d’ordre, Dramane n’est qu’une victime de plus, broyée par la machine infernale de la violence qui s’abat sans distinction aucune. Aujourd’hui, c’est lui. Demain, ce sera un autre étudiant, un autre cadre, un autre citoyen. Une chose est certaine, tant que l’indifférence règne en maître, cette hémorragie tragique se poursuivra inexorablement, en étendant encore davantage le voile sombre de la désolation sur un pays déjà en lambeaux.
Par : Wilsonley Simon