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« Quand on veut enterrer une décision, on crée une commission. »
Georges Clemenceau
Député, Homme d’état, Homme politique, Journaliste, Maire, Médecin, Ministre, Scientifique, Sénateur (1841 – 1929)
Parfois, les mots sont si beaux qu’ils en deviennent suspects. Et les silences, eux, si bruyants qu’ils trahissent les vraies intentions. En ce 17 avril 2025, Emmanuel Macron a une nouvelle fois démontré son talent de communicant en posant un geste symbolique, emballé dans un vernis historique, pour mieux esquiver l’essentiel. La France regarde « son » passé colonial en face, nous dit-il. Mais elle le regarde avec des lunettes fumées.
Le 17 avril 1825, la France a commis l’un des plus grands crimes économiques de l’Histoire moderne. Elle a extorqué à Haïti, sous la menace des canons, une rançon de 150 millions de francs-or pour prix de son indépendance. Une rançon pour avoir osé briser les chaînes de l’esclavage. Une rançon pour avoir vaincu l’armée napoléonienne. Une rançon pour avoir prouvé que les Noirs pouvaient être libres et souverains.
Et aujourd’hui, en 2025, que nous proposez-vous ? Une « commission mixte » pour « explorer » le passé. Quelle indécence ! Cette dette n’a rien d’un mythe ou d’un souvenir lointain à exhumer sous la poussière des archives. Elle est une réalité économique, sociale, politique, qui a pesé et pèse encore sur chaque génération d’Haïtiens. Elle a ruiné un État naissant. Elle a empêché le développement. Elle a alimenté l’instabilité et la misère. Elle est le socle d’un rapport colonial qui n’a jamais été véritablement rompu.
Votre discours, Monsieur Macron, transpire de cette posture paternaliste si familière. Vous nous parlez de « vérité historique » comme d’un horizon commun, d’un « avenir apaisé », d’un « dialogue sincère ». Mais la vérité, elle est déjà connue. Elle a été établie, documentée, dénoncée par des générations d’intellectuels haïtiens, caribéens, français, et même par vos propres institutions. Ce que vous refusez, c’est d’en assumer les conséquences politiques et financières.
Vous avez parlé de restitution en Afrique à Ouagadougou en 2017. Vous avez promis de rendre les œuvres pillées. Et depuis ? Quelques pièces, quelques musées, beaucoup de silence. Le modèle est clair : faire des annonces, occuper le terrain symbolique, éviter l’essentiel. En Haïti, vous poursuivez la même logique. Vous parlez de mémoire alors qu’on vous parle de justice. Vous parlez de réconciliation alors qu’on vous demande réparation. Vous voulez dialoguer, quand il est temps de restituer.
Haïti n’a pas besoin de condescendance, mais de reconnaissance. Pas d’une reconnaissance au rabais, embourbée dans les procédures diplomatiques et les jeux d’archives. D’ailleurs, les peuples ne mangent pas les archives. Ce que nous avons besoin, vous le savez. C’est une reconnaissance pleine, politique, morale, financière. Il faut rendre l’argent. Il faut réparer. Il faut, enfin, rompre avec cette arrogance coloniale qui consiste à toujours différer l’essentiel, à faire du passé une abstraction alors qu’il hurle dans chaque rue de Port-au-Prince, dans chaque école délabrée, dans chaque hôpital déserté.
L’histoire ne sera jamais un « pont » si elle continue à servir de cache-misère à l’injustice. Elle ne peut unir que lorsqu’elle répare. Ce n’est pas d’une commission que nous avons besoin, Monsieur le Président. C’est d’un remboursement.
Et pour ceux de mon peuple qui redoutent, à juste titre, que cette restitution ne tombe entre les mains d’un appareil d’État défaillant, qu’elle ne soit dilapidée comme le fonds PetroCaribe – je les comprends. Le traumatisme est réel, la méfiance est légitime. Mais aujourd’hui, notre première exigence doit être claire : arracher à Emmanuel Macron un calendrier, une date, un engagement ferme pour la restitution de cette rançon historique. Le reste viendra après.
Car comme dit le proverbe : chat échaudé craint l’eau froide. Le peuple haïtien, lucide et debout, saura tracer les lignes rouges. Il saura inventer une gouvernance populaire et transparente pour utiliser cet argent comme levier d’un nouveau départ. Ce qu’il nous faut maintenant, c’est un acte de justice. Pas un rapport, pas un séminaire. De l’argent volé. Rendu. Sans condition. Et avec respect.
Par : Wilsonley SIMON | RTMI