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Le quartier de Bel-Air est le théâtre d’une vaste opération lancée depuis le mardi 27 août 2024. Depuis le début de cette intervention conjointe entre la Police Nationale d’Haïti (PNH), les Forces Armées d’Haïti (FAd’H), et les officiers de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité, 18 présumés bandits ont été abattus, selon les chiffres fournis par Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). Si ces résultats témoignent d’une détermination accrue à reprendre le contrôle de ce quartier, ils soulèvent également des questions sur l’efficacité de la stratégie globale contre les gangs en Haïti.
Bel-Air, depuis longtemps considéré comme un bastion de gangs armés, a souvent été le lieu de violents affrontements entre ces groupes et la Police. Alors que Port-au-Prince, la capitale, reste assiégée par des criminels de grands chemins, environ trois millions de personnes se retrouvent piégées dans une guerre des gangs sanglante. Pourtant, l’opération actuelle se concentre exclusivement sur Bel-Air, laissant d’autres quartiers comme Martissant, Mariani, Gressier, Canaan, et Croix-des-Bouquets, où la situation est tout aussi critique, sans interventions similaires.
On est en droit de se demander pourquoi cette focalisation sur Bel-Air ? Quand est-ce que l’entrée sud de la capitale sera libérée des bandits notoires ? Quand la route du Grand Nord sera-t-elle dégagée de ces criminels ? Ces questions soulèvent des doutes sur la stratégie actuelle : cherche-t-elle vraiment à éradiquer le problème des gangs dans son ensemble, ou se limite-t-elle à des actions ponctuelles sans vision globale ?
Le Syndicat de la Police Nationale d’Haïti (SPNH-17), le 29 août, a exprimé des préoccupations similaires. Dans une note, il a exhorté l’institution policière à mettre en place des opérations de longue durée pour démanteler complètement les foyers de gangs. Le SPNH-17 a également demandé au directeur général ad intérim de la PNH, Rameau Normil, de développer des stratégies permettant de minimiser les risques pour les policiers sur le terrain. « Toute opération qui ne vise pas la récupération des territoires perdus ne donnera aucun résultat », a-t-il averti.
Qu’en est-il de l’intervention kényane ?
L’arrivée, le 25 juin, des premiers 200 officiers de cette police d’élite kenyane en Haïti avait suscité beaucoup d’espoir quant à une meilleure coordination des opérations de sécurité. Mais deux mois plus tard, leur impact reste peu perceptible, en particulier à Bel-Air. Des enregistrements audio viraux révèlent même des critiques sévères de la part des agents de la PNH en opération, qui reprochent aux policiers kényans de refuser de combattre les gangs, les qualifiant de « touristes » et accusant leur présence de « théâtre ».
Serait-il prématuré de dire que la police kényane déçoit déjà les attentes ? Comme dirait l’autre, il ne reste qu’à attendre.
Cependant, l’absence d’intervention dans d’autres zones sensibles soulève des questions sur les ressources et la coordination entre la police kényane et la PNH. Ont-ils vraiment les moyens de mener des actions simultanées dans plusieurs zones gangrénées par les gangs ?
La question qui persiste est de savoir si les opérations contre les gangs en Haïti sont guidées par une véritable stratégie ou si elles répondent simplement aux crises immédiates. Le focus sur Bel-Air, bien que nécessaire, pourrait refléter une approche réactive, risquant ainsi de ne pas aborder le problème des gangs dans toute sa complexité. En conséquence, l’opération pourrait manquer son objectif ultime : restaurer la paix et la sécurité à travers tout le pays.
Par : John Bekker Noël