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Auteur : Chro-Lit

Chro-Lit | Poésie comme pansement

Chro-Lit inaugure une rubrique dédiée à la poésie comme baume des douleurs, un espace où les mots pansent les blessures et redonnent voix aux poètes. Pour ce troisième numéro, nous vous invitons à (re)découvrir l’univers poétique  de la poétesse Mileva ROUMER…

I

Je t’aime, ma Terre, chaque fibre de ton sol,

Si je me tiens sur ton seuil, c’est que le sang parle,

Il pleure son corps, ses souvenirs de martyrs,

Et la violence filmée qui a fait écho de ses souffrances.

Je te parle, Terre, morceau de paradis vidé,

Ange aux ailes coupées, me feras-tu entendre ta voix ?

Me diras-tu que tout n’est qu’un songe,

Que ceux qui foulent ta terre auront ta protection ?

Que sommes-nous devenus, nous, victimes,

Martyres de sangsues, colons défroqués,

Des faibles élevés au rang de statues pétrifiées ?

Elles seront dégivrées, se fondant devant nos cris,

Devant nos hurlements sourds et muets.

Terre d’Ayiti, peux-tu te réveiller,

Faire frissonner les faibles, transpercer les cœurs ?

Peux-tu embrasser de tes bras ceux qui rugissent de douleur,

Et s’extasient dans les lambeaux des décombres ?

Terre d’Ayiti, peux-tu nous faire goûter ta soif de liberté,

La vider comme un rhum sous le soleil brûlant,

Faire frissonner notre peau, chair de poule,

Sous les rayons de ta guidance ?

Rends-nous notre vertu, fais voler ta rage,

Place-nous sous tes ailes, fais trembler les criminels,

Les décomposeurs d’espoirs, ceux qui dévorent

Les fils tissés de la lune, qui épongent nos pas silencieux.

Sans abri, délaissés, perdus dans les trous de l’incertitude,

Façonne les dédales pour ouvrir une porte d’existence,

Pour reprendre notre souffle, malgré les ombres

Qui étouffent nos efforts de lumière.

Rayonne sur notre île, comme un phare de secours,

Active dans nos esprits fatigués cette union céleste,

Promesse de déesse, repos nécessaire,

Place des lauriers, des hibiscus pour ceux tombés.

Nous ne voulons plus de draps pour décorer les brouettes,

Ni de ruelles sombres pour hanter nos épaves.

Conscience, conscience, viens, réveille-nous.

Je souffre pour toi, je pleure avec toi.

Que de mes larmes émergent des radeaux

Pour porter, comme un pont, les couleurs de ton nouveau monde,

Ce sont les palettes de nos choix, de nos luttes, du cœur et de l’esprit qui, un jour, coloreront notre véritable liberté.

Nous voulons vivre, nous voulons fouler nos montagnes,

Tracer sur le sol nos vœux ancestraux,

Souffler nos rêves sur les cocotiers, avaler les nuages pour espérer.

Nous voulons remettre de l’ordre dans les dossiers de fer,

Liquéfier les marteaux qui pèsent sur nos dos.

Nous voulons vivre.

Nous devons vivre.

Nous avons le droit de vivre.

Nous sommes vivants.

Nous sommes des êtres vivants.

II

Aux frontières de l’espérance, nous portons les graines de l’envol

Ils ont voulu faire de mon feu une cage.

Mais je brûle plus large que leurs murs.

Je griffe les frontières qui étouffent mes cris, pour dire à l’aube que le vent de ma liberté s’est levé.

Ma flamme créatrice, divine, ne s’éteindra plus sous les mains qui veulent la réduire au silence.

Sans les contours tracés par mes peurs, pourrais-je voler ? Glisser sans toucher la terre, sans me fondre dans la foule, sans fuir l’envol, sans désirer l’ivresse de tout abandonner : les stigmates, les jugements, ces illusions qui murmurent que l’élévation rime toujours avec chute, que l’envol finit sur les rives du désespoir.

Mais si je vole, si je prends mon envol, au rythme du jour naissant, sans retenir les larmes qui tombent, sans effacer les marques qui m’ancrent à ma terre aimée, saurai-je retrouver le chemin ?

Revenir saluer les arbres éveillés, chantant sous le souffle du vent mon refrain de retour, ma mélodie sans détour.

Longtemps, je me suis vue comme un oiseau aux ailes bridées, prise dans des mains qui chuchotaient le doute à mon cœur, emprisonnée dans une cage de silence tissée par la peur d’autrui.

Mais, même entravées, mes ailes murmuraient aux vents, portant la mémoire fragile et éternelle du ciel.

Ailes bridées, silences servis au dîner, doutes soufflés, ombres glissant à mes oreilles, cage tissée d’un tapis de fleurs fanées.

Le vent, patient, murmure à mes oreilles, plantant la graine d’une vérité vaste et profonde.

Indomptable, éternelle, elle me rappelle que nous sommes pareils, que nul ne peut dicter qui je suis, quand je suis la preuve vivante de toute ma multidimensionnalité.

Oiseaux, compagnons de résilience, vous ne tremblez pas devant l’inconnu. Vous le transformez en champ de gloire.

 Vous proclamez : les nuages n’emporteront ni vos plumes ni vos chants, mais votre courage immense à défier les lois du ciel.

Vous franchissez les lignes invisibles, sans peur des moments de solitude.

Tous les oiseaux n’ont pas un vol qui les attend. Certains naissent seuls dans le voyage, les vautours tournant déjà, prêts à proclamer leur chute.

D’autres rejoignent l’essaim plus tard, après avoir traversé les marées intérieures qui leur arrachent les plumes, se battant dans la tempête sans savoir s’ils verront la lumière.

Leurs chemins sont imprévisibles, bien loin des envols glorieux que l’on imagine.

Ce ne sont pas toujours des ascensions lumineuses, mais des luttes silencieuses, le battement têtu d’ailes meurtries, d’un cœur qui a appris à battre contre vents et douleurs, pour la simple chance de revoir le soleil se lever.

J’ai quitté mon pays, les ailes entravées par des portes jamais pleinement ouvertes, un masque sur le visage, forcée, sans espace pour respirer, cachant un rêve d’envol que je ne connaissais pas encore.

Comme les oiseaux en quête de nouveaux cieux, j’ai senti le poids du destin sur ma poitrine, boussole invisible tournant mon cœur vers des chemins sans carte.

Mon enfance fut une route peu empruntée, carte rugueuse gravée dans ma mémoire, où chaque pas cherchait à s’élargir, à grandir au-delà de ce que mes mains pouvaient contenir, malgré les épines qui blessent comme nul autre.

À des chemins bloqués, tracés par des égarés, cherchant à imposer la vision d’aveugles, alors que moi, j’ai accepté de voir les yeux fermés la ligne sacrée qui vit en moi, et mon devoir d’y marcher, dans toute sa dignité.

Quelque chose en moi est resté enraciné, tapi dans la terre d’un pays que je ne pouvais abandonner, latitude ancrée dans les pôles de ma conscience.

J’ai traversé des frontières invisibles, portant des graines enveloppées de mémoire et d’espoir, me demandant jusqu’où je devrais voler avant de pouvoir les planter à nouveau : ces fragments d’un chez-moi, perdus, mais jamais disparus.

Il y a une gloire certaine à devenir l’autel du soleil, à porter un rayon d’espoir pour demain, juste sous le bord du crépuscule.

C’est un renouveau. Une renaissance. La promesse que même si la nuit tombe, l’aube se lèvera.

Mais le vrai témoignage du vol ne réside pas dans l’éclat du jour, mais dans l’ombre du combat.

Dans ces instants solitaires, au cœur de la nuit, où survivre devient sacré, et se relever, un triomphe muet.

Tu fais de ta peur ton plus grand saut.

Si je plonge dans ton regard, sage guide, c’est que ton histoire doit être dite.

Pour que celles et ceux qui redoutent encore la route longue se rappellent que chaque brise à travers le temps est le début d’une aventure née dans le cœur, dans un regard qui ne faiblit pas devant les calculs froids qui veulent boire dans nos plaies.

Le soleil surgit des blessures, versant l’espoir, goutte de rosée, sur les ailes de celles et ceux qui continuent de croire qu’il faut s’élever.

Dans ce nouveau lieu, j’ai fouillé la terre à la recherche des racines d’autrefois, étrangère dans ma propre peau, ni tout à fait ici, ni vraiment là-bas.

Chaque aube posait la même question : où est ma place ?

Comme un oiseau dans le ciel, tiraillé entre migration et retour, l’appel de l’un plus fort que l’autre.

Le temps passait comme des ailes fendillant l’air.

Et j’ai appris à écouter l’écho de mon chez-moi, même à mille lieues, m’appelant à travers le tic-tac du destin, jusqu’à ce moment où tout s’aligne.

Le téléphone, mémoire de nomade de l’air, sonne.

La nature dit sa vérité.

Et je sais.

Il est temps.

Je m’envolerai.

Encore.

Mileva ROUMER

Sous la direction de Feguerson Fegg THERMIDOR

ÉCRIVAIN-POÈTE

ecrivainfeguersonthermidor@gmail.com

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