Décès de Didier Dominique, architecte, professeur et militant syndical haïtien

L’architecte, professeur d’université et dirigeant syndical haïtien Didier Dominique s’est éteint ce dimanche matin à Pétionville, à l’âge de 73 ans. Hospitalisé depuis environ deux semaines à la suite d’un diagnostic de cancer du pancréas, il laisse derrière lui une œuvre intellectuelle, militante et humaine qui a marqué plusieurs générations.

Didier Dominique était bien plus qu’un professionnel de l’architecture. Il était professeur de sociologie urbaine à l’Université d’État d’Haïti (UEH), chercheur à l’Institut de sauvegarde du patrimoine national (ISPAN), et militant syndical de premier plan. Dans les amphithéâtres comme dans les rues, il faisait entendre une voix claire et intransigeante en faveur des classes populaires.

Co-auteur du livre “Savalou E” écrit avec son épouse défunte, l’ethnologue Rachel Beauvoir Dominique, et primé en 1989 par le prestigieux Concours Casa de las Américas, il s’inscrit dans cette tradition intellectuelle haïtienne qui pense les opprimés depuis leurs propres codes culturels, linguistiques et sociaux.

Dans un entretien mémorable à AlterRadio en 2017, Dominique dénonçait les méfaits de l’urbanisation anarchique, notamment dans les villes côtières, et critiquait l’héritage colonial et l’occupation américaine comme matrices d’un déséquilibre social et territorial jamais corrigé. Pour lui, penser la ville c’était penser l’injustice.

Leader de “Batay Ouvriye”, il était de toutes les luttes syndicales, notamment celles du secteur textile où il défendait bec et ongles l’augmentation du salaire minimum et le respect des droits fondamentaux des travailleurs. Pour le professeur Camille Chalmers, son collègue à la Faculté des sciences humaines, sa disparition est une perte “énorme” pour le mouvement progressiste haïtien. “Didier Dominique, c’était une voix radicale, posée, et une mémoire vivante des combats sociaux de ces dernières décennies.”

Son engagement ne se limitait pas aux luttes syndicales. Dominique était également un fervent défenseur du vodou haïtien, héritier et soutien des travaux de l’Ati Max Beauvoir, et veuf de Rachel Beauvoir, elle-même figure marquante de la recherche ethnologique haïtienne.

Atteint de diabète et affaibli par la pandémie de Covid-19, Didier Dominique a longtemps lutté contre la maladie, multipliant les séjours à l’hôpital ces dernières années. Sa mort résonne comme un coup dur dans un pays où les voix critiques se font de plus en plus rares.

Didier Dominique laisse un vide immense. Il était de ceux qui croient en une Haïti debout, digne, éduquée et souveraine. Il était de ceux qui croient que penser, c’est déjà résister. Et que lutter, c’est refuser l’indifférence.

En ces temps de chaos et de confusion, la disparition de Didier Dominique rappelle que la cohérence entre pensée, parole et action reste l’une des formes les plus pures de l’engagement.

Par : Wilsonley SIMON | RTMI