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En récompensant un écrivain hongrois, l’Académie suédoise poursuit son ouverture vers des voix venues des périphéries culturelles.
L’Académie suédoise a attribué ce jeudi 9 octobre le Prix Nobel de littérature à László Krasznahorkai, auteur hongrois de 71 ans, salué pour « une œuvre fascinante et visionnaire qui, au milieu d’une terreur apocalyptique, réaffirme le pouvoir de l’art ». Il succède à la Sud-Coréenne Han Kang, lauréate du prix en 2024.
Né en 1954 à Gyula, dans l’est de la Hongrie, László Krasznahorkai s’est imposé comme une figure centrale de la littérature européenne contemporaine. Après des études à l’Université de Szeged et de Budapest, il publie ses premiers textes à la fin des années 1970 avant de signer, en 1985, Sátántangó, son premier roman, rapidement considéré comme une œuvre fondatrice de la littérature post-totalitaire.
Traduit en français sous le titre Tango de Satan (Gallimard, 2000), ce livre fut adapté au cinéma par le réalisateur Béla Tarr, dont la mise en scène en noir et blanc, d’une durée de sept heures, a marqué l’histoire du cinéma d’auteur. L’univers de Krasznahorkai, à la fois mystique et apocalyptique, explore les désordres du monde moderne, la solitude des êtres et la possibilité de la beauté dans le chaos.
Parmi ses œuvres les plus connues figurent La Mélancolie de la résistance (1989), Guerre et guerre(1999), Seiobo est descendue sur terre (2008), Le baron Wenckheim est de retour (2016) et Petits travaux pour un palais (2018). Plusieurs de ses livres ont été traduits en français, notamment aux éditions Gallimard.
Souvent qualifié de « maître de l’apocalypse », Krasznahorkai construit une œuvre dense, faite de phrases longues, de méditations métaphysiques et d’une attention extrême au langage. Il y décrit des mondes en décomposition, des sociétés en dérive et des personnages en quête de sens.
Malgré la noirceur apparente de ses récits, son écriture conserve une dimension profondément humaniste. Elle interroge la condition de l’homme moderne, écartelé entre le progrès technique et la perte de spiritualité. Son style, proche de Kafka ou de Beckett, mêle philosophie, ironie et désespoir lucide.
En récompensant un écrivain hongrois, l’Académie suédoise poursuit son ouverture vers des voix venues des périphéries culturelles. Après la consécration de Han Kang en 2024, première femme asiatique à recevoir le Nobel de littérature, cette nouvelle distinction met à l’honneur une Europe centrale souvent oubliée par les grands prix internationaux.
Depuis sa création, le Nobel de littérature a récompensé 121 auteurs, dont seulement 18 femmes. Les écrivains anglophones, francophones, germanophones et hispanophones ont longtemps dominé le palmarès. Le choix de Krasznahorkai, écrivain exigeant et peu médiatique, marque ainsi la volonté du jury de célébrer la puissance intellectuelle et poétique de la littérature hors des circuits commerciaux.
Auteur rare et discret, László Krasznahorkai vit entre la Hongrie, Berlin et le Japon, pays qui l’a souvent invité à donner des conférences. Son œuvre, traduite dans une trentaine de langues, a déjà reçu plusieurs distinctions internationales, dont le Man Booker International Prize en 2015.
Le Nobel de littérature 2025 vient consacrer une trajectoire singulière, celle d’un écrivain qui, loin des modes, fait de chaque livre une méditation sur la fin et la survie du monde. Pour l’Académie, son œuvre rappelle que, même au milieu des ruines, l’art demeure une forme de résistance et de lumière.
RTMI avec RTL.fr