Radio Télé Masseillan Info - Plus de sens à l'info!
Alors que la mission première du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) est de rétablir la sécurité en Haïti, douze mois après son arrivée au pouvoir, le pays s’enlise dans une spirale de violence. Cette année écoulée a été marquée par une succession de massacres, de déplacements massifs de population, d’occupations de nouveaux quartiers par les gangs, ainsi que par des évasions spectaculaires de prison. Ce climat a provoqué une crise humanitaire aiguë, entraînant la fermeture de plus de 900 écoles et de 39 établissements de santé, selon les Nations unies (ONU).
Cependant, malgré cette situation catastrophique, le CPT a passé ces douze mois à multiplier les promesses de rétablissement de l’ordre, tandis que la violence ne cessait de s’intensifier. À partir de ce vendredi 25 avril 2025, le Conseil entre dans les neuf derniers mois de son mandat de 21 mois – une durée désormais plus courte que celle déjà écoulée, laissant planer le doute sur sa capacité à tenir ses engagements.
Le CPT, installé officiellement le 25 avril 2024 en remplacement du Premier ministre Ariel Henry, est une structure collégiale de neuf membres. Il a prêté serment au Palais national avant d’être installé à la Villa d’Accueil. L’organe avait été formé après la signature de l’« accord du 3 avril 2024 » entre les acteurs politiques haïtiens, avec la médiation des dirigeants de la Caricom.
Cette transition a été déclenchée par l’impossibilité pour Ariel Henry de rentrer au pays après sa participation au 46e sommet de la Caricom et une visite officielle au Kenya, en raison d’une vague de violences orchestrée par la coalition criminelle « Viv Ansanm ». Cette crise avait entraîné la fermeture de l’aéroport de Port-au-Prince, faisant du pays une véritable prison à ciel ouvert dominée par les gangs.
Ces derniers ont tué, pillé et incendié, sans rencontrer de réelle résistance. Ils ont notamment ciblé plusieurs postes de police – plus de six, selon le Syndicat National des Policiers Haïtiens – et ont vidé, les 2 et 3 mars 2024, les deux plus grandes prisons du pays : le Pénitencier national et la prison civile de la Croix-des-Bouquets. D’après Le Nouvelliste, plus de 3 800 détenus, dont des criminels notoires, se sont échappés.
Quelques jours plus tard, des attaques coordonnées visaient directement des symboles du pouvoir comme le Palais national et la Banque de la République d’Haïti, dans un contexte d’effondrement quasi total de l’État. Seules la Police nationale et les Forces armées ont pu contenir certaines offensives contre des institutions majeures.
Face à cette insécurité persistante, une large part de la population avait placé ses espoirs dans le CPT, convaincue que ce dernier allait amorcer un redressement. D’ailleurs, la promesse de faire de la sécurité une priorité absolue avait été martelée par les conseillers présidentiels.
Mais douze mois plus tard, la confiance populaire est sérieusement entamée. Les résultats sont faibles, sinon inexistants. Le Conseil semble s’être enfermé dans une logique de déclarations répétées plutôt que d’actions concrètes. Durant cette période, les autorités de transition ont promis sans relâche de démanteler les réseaux criminels, sans qu’aucune opération d’envergure ne soit menée.
À titre d’exemple, lors de la commémoration des 220 ans du drapeau haïtien, le conseiller présidentiel Edgard Leblanc Fils avait promis que tous les territoires occupés par les gangs seraient reconquis. Un plan avait même été annoncé : rétablir la sécurité, maison après maison, quartier après quartier, commune après commune, département après département.
Pourtant, onze mois après, aucune maison occupée n’a été récupérée.
Si le CPT apparaissait, au départ, comme un éventuel sauveur, il est désormais discrédité aux yeux de nombreux citoyens, incapable de répondre à leurs attentes les plus urgentes, notamment le rétablissement de l’ordre.
Un an après sa prise de fonction, il n’y a aucun signe tangible d’amélioration dans le climat sécuritaire ; bien au contraire, la situation se détériore davantage. Cette désillusion populaire n’est pas survenue brutalement : elle s’est installée progressivement, au fil des mois, au rythme des promesses non tenues et des espoirs trahis.
En effet, ce processus est constitué d’une succession de massacres, de déplacements massifs de la population et de l’occupation de nouveaux territoires par les criminels armés.
Deux grands massacres ont marqué ces 12 mois du CPT au pouvoir : le massacre de Pont-Sondé et celui du Wharf de Jérémie. Le premier a eu lieu le 3 octobre 2024 dans le département de l’Artibonite, où le gang Gran Grif a tué plus de 115 résidents et fait plus de 357 blessés, selon l’Organisation des Nations Unies (ONU). Quant au second, il a été enregistré deux mois plus tard, c’est-à-dire en décembre 2024, au Wharf de Jérémie, où le chef de gang Mikanò a exécuté plus de 207 personnes, dont la majorité étaient des vieillards.
En outre, selon l’Organisation Internationale pour la Migration (OIM), plus d’un million de citoyens ont été chassés de leur demeure par des bandits. La plupart de ces personnes déplacées vivaient dans différents quartiers de Port-au-Prince et dans certaines villes de province, tels que : Solino, Nazon, Avenue Pouplard, Poste-Marchand, Delmas 30, Carrefour-Feuilles, Tabarre 27, Kenscoff, Pont-Sondé.
Par la suite, tous ces territoires sont automatiquement tombés sous le contrôle des bandits. Cependant, les autorités de transition n’ont rien fait pour repousser les criminels armés, ce qui a permis à ces derniers, en effet, de contrôler plus de 85 % de la capitale haïtienne, selon l’ONU.
Cette dernière a également affirmé que la violence atroce des bandits a contraint plusieurs hôpitaux et écoles à fermer leurs portes. L’ONU souligne que le phénomène de l’insécurité a provoqué la fermeture de plus de 900 écoles et de 39 établissements de santé, dont l’Hôpital Général et Bernard Mevs, qui ont été incendiés par les malfrats.
Fort de ces constats alarmants, le peuple haïtien a investi les rues de la capitale durant le mois de mars pour exprimer officiellement son désaccord avec le Conseil Présidentiel, qui affiche son incapacité à rétablir la sécurité dans le pays.
Quelques heures après cette vague de protestation, le CPT a demandé au peuple haïtien de garder son calme. Encore une fois, il a promis à la population qu’il rétablirait la sécurité dans le pays.
Par ailleurs, quelques jours après cette déclaration du CPT, deux nouveaux territoires sont tombés sous le contrôle de la coalition criminelle Viv Ansanm : Mirebalais et Saut-d’Eau. Dans ces communes situées au bas du département du Centre, plus de 5 981 personnes ont été contraintes de fuir leurs maisons afin d’échapper à la cruauté des gangs, selon l’OIM.
De plus, les bandits ont totalement vidé la prison civile de Mirebalais, provoquant ainsi l’évasion de plus de 500 prisonniers. Il s’agit de la deuxième évasion de prison enregistrée sous le règne du CPT, après celle survenue le 16 août 2024 dans la ville de Saint-Marc.
Quatre mois après la suspension des vols commerciaux, l’aéroport international Toussaint Louverture reste fermé. Seul celui du Cap-Haïtien permet encore de quitter le pays, mais l’accès est périlleux : les routes du Nord et d’autres points stratégiques sont sous le contrôle de gangs armés.
Rappelons que le Conseil citoyen pour la sécurité publique et la justice pénale, une organisation basée au Mexique,
dans un rapport, publié le 19 février dernier, a classé Port-au-Prince en première position parmi les 50 villes les plus dangereuses de la planète.
Étant donné que le Conseil Présidentiel de Transition a un mandat de 21 mois, à partir de ce vendredi 25 avril 2025, il ne lui reste donc que neuf mois à passer à la tête du pays. Récemment, les autorités ont élaboré un budget qualifié de « budget de guerre », dans lequel 31 milliards de gourdes sont consacrées au domaine de la sécurité.
Si, pendant 12 mois, les dirigeants de la transition ne sont pas parvenus à résoudre le problème de l’insécurité en Haïti, il reste à voir s’ils seront capables de le faire avec ce budget de guerre, avant la fin des neuf derniers mois, pour organiser les élections et remettre le pouvoir, le 7 février 2026, à un gouvernement élu.
Par : Nelson Jonathan | RTMI