Auteur : Simon Wilsonley

À Santiago, la mort troublante de Stephora Joseph : entre silence institutionnel et appels à la vérité

En République Dominicaine, la lumière de Stephora Anne-Mircie Joseph continue de hanter ceux qui croisent aujourd’hui son histoire. Elle avait 11 ans, un âge où l’on rêve encore sans prudence, où l’on avance sans soupçonner que le monde puisse basculer d’un coup. Mannequin en devenir, élève brillante, polyglotte en formation, elle était surtout une enfant. Et son décès, survenu le 14 novembre lors d’une sortie scolaire au collège Da Vinci, porte désormais le poids d’un drame que beaucoup refusent de qualifier d’accident.

Depuis plusieurs jours, deux journalistes dominicains, Esteban Rosario et Delvis Durán, brisent un silence qu’ils jugent lourd et dangereux. Leurs enquêtes, menées à contre-courant du récit officiel, pointent vers un acte violent maquillé en noyade fortuite. Ils affirment que Stephora n’est pas simplement tombée dans l’eau, elle aurait été poussée, maintenue, submergée, par trois camarades dominicains âgés de 12 à 13 ans. Selon eux, ce n’est pas un simple jeu qui aurait mal tourné, mais un acte nourri par la jalousie et le rejet racial – un rejet qui aurait poursuivi l’enfant jusque dans les couloirs du collège.

Sa mère, Lovelie Joseph, se souvient encore des larmes de sa fille, quelques semaines avant le drame. Elle l’avait vue rentrer bouleversée, blessée d’une douleur qu’aucun bandage ne peut couvrir. « Manmi, mwen vle chanje koulè po mwen », lui avait confié Stephora. Lorsqu’elle avait demandé pourquoi, la réponse était tombée comme une gifle : « Yo toujou ap rele m vye moun nwa sal nan lekòl la. » Aujourd’hui, ces mots résonnent autrement, comme une alerte que personne n’a voulu entendre.

Au cœur de l’affaire, il y a une question qui cristallise la colère: pourquoi les enregistrements des caméras de surveillance n’ont-ils pas été remis à la famille ? Pourquoi ce refus persistant, alors que ces images pourraient dissiper les doutes ou confirmer les soupçons ? Pour les journalistes Rosario et Durán, le comportement de l’établissement relève davantage d’une stratégie d’opacité que d’un simple malentendu administratif.

Sur le plan officiel, les autorités dominicaines assurent que l’enquête progresse. La ministre de l’Intérieur et de la Police, Faride Raful, appelle la population à patienter, à ne pas se laisser entraîner dans ce qu’elle décrit comme des spéculations nuisibles. Une position qui, pour beaucoup, sonne comme une demande de silence dans un temps où la transparence est la seule chose attendue.

Pendant ce temps, la douleur de la famille Joseph s’élargit en une indignation collective. En Haïti comme dans la diaspora, les voix se rassemblent et répètent le même cri : vérité, justice, respect pour la mémoire d’une enfant qui méritait de grandir. On se souvient alors de la vidéo tournée lors d’une répétition à la RD Fashion Week 2025, où Stephora récitait un texte sur l’égalité et la dignité humaine. Elle parlait d’un monde plus juste. Ironie cruelle, elle n’aura pas vu ce monde-là.

Le dossier avance, disent les autorités. Mais pour la mère, la communauté et tous ceux qui refusent de laisser cette histoire s’effacer, la question reste entière : que s’est-il réellement passé dans cette piscine, ce jour-là ? Tant que la vérité ne sera pas dite, tant que la lumière ne sera pas faite, la mort de Stephora Joseph continuera d’appeler chacun à regarder en face ce qu’une société choisit trop souvent de ne pas voir.

Et c’est peut-être là que commence la justice.

Wilsonley Simon

simonwilsonley35@gmail.com

Partager

Simon Wilsonley
Simon Wilsonley

Wilsonley Simon est journaliste, étudiant en Anthropo-Sociologie. Il est passionné de la Radio et d’écriture. Sa plume, guidée par une profonde conscience sociale, s'engage pleinement au service de son pays.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *