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C’est en juin dernier que le Dr Garry Conille a été installé à la tête du gouvernement, nommé par arrêté présidentiel au poste de Premier ministre. Dans son discours d’installation, il s’est montré dévoué et motivé à relever les défis du moment pour les faire siens. « Mettons-nous au travail », a-t-il déclaré en conclusion de son allocution. Ne sachant plus à quel saint se vouer, la population a accueilli cette déclaration comme une bouffée d’air frais dans le désert de désespoir qui l’entoure depuis plusieurs années, alors qu’elle est en proie à une crise pluridimensionnelle, marquée notamment par l’insécurité qui sévit dans le pays.
Tant que les jours passent, tant que l’espoir se disperse
En effet, arrivé à ce poste, parmi les nombreux défis qui l’attendaient, il a voulu affronter en premier lieu le phénomène de l’insécurité, un problème majeur qui hante le quotidien des citoyens et exige une solution immédiate. Selon un rapport publié le 2 octobre dernier par l’Organisation internationale pour la migration (OIM), agence dépendante de l’Organisation des Nations unies (ONU), un nombre record de 702 973 personnes, dont des enfants, ont été forcées d’abandonner leur quartier face à l’exaspération des actions criminelles. Ce fléau, au cours des deux premiers trimestres de l’année 2024, a causé 3 884 morts ou blessés par balles, d’après un rapport du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH).
Se montrant préoccupé et prêt à relever ces défis, le Dr Garry Conille, lors de sa visite au premier contingent de policiers kenyans à leur base de Clercine, le mercredi 26 juin 2024, a prononcé un discours poignant : «Nous allons reprendre le contrôle du territoire, maison par maison, quartier par quartier, ville par ville ». Une déclaration qui a rallumé la flamme de l’espoir dans le cœur d’une population tourmentée depuis des années et donné une nouvelle orientation à la peur qui animait les citoyens. Cependant, à mesure que le temps passe, il semblerait que le locataire de la primature commence à se perdre en chemin et ne fasse plus confiance à ses propres paroles. C’est comme s’il avait mis la charrue avant les bœufs.
Dans une interview accordée à BBC News, diffusée le 7 août dernier, le Premier ministre a exprimé ses inquiétudes face aux dangers actuels. « Dans les conditions actuelles, il sera extrêmement difficile d’organiser les élections et de remettre le pouvoir à des élus le 7 février 2026 », a-t-il déclaré en réponse à une question du journaliste Stephen Sackur. Une déclaration qui anéantit l’espoir tant attendu et laisse entrevoir que le Premier ministre semble concentré sur d’autres priorités que celles qui lui avaient été assignées dès sa nomination.
Un mandat détourné
Visiblement, le premier ministre Garry Conille à lui seul se montre très en activité depuis sa nomination. Multipliant les voyages et les rencontres à l’étranger comme sur le territoire national, il donne l’impression d’un dirigeant débordé par les défis de l’heure. Cependant, toute cette agitation apparente, n’est qu’une sacrée méthode pour berner toute une population qui ne peut plus être à l’attentisme stérilisant d’un pouvoir tentaculaire. Plutôt que de s’atteler aux urgences sociales et sécuritaires qui frappent Haïti, le gouvernement se concentre davantage sur des considérations internes, notamment la distribution des gâteaux ministériels.
Pour coiffer l’État qu’on a plongé sciemment dans le coma, est né le Conseil Présidentiel de Transition (CPT), sous l’égide de la CARICOM. Ce conseil est chargé de gérer la transition politique et de ramener l’ordre dans un pays en proie à des violences sans précédent. Composé de neuf conseillers, le CPT a nommé un Premier ministre avec pour mission d’organiser des élections et de rétablir la paix en enrayant la spirale de violence.
Médecin de formation et ancien haut responsable de l’UNICEF, Garry Conille a été choisi pour sa stature internationale et son expérience au sein des Nations unies. Dans sa première déclaration, le Premier ministre a déclaré qu’il va : Restaurer la sécurité grâce à la collaboration avec la force multinationale, dirigée par le Kenya.-Stabiliser l’économie en luttant contre l’inflation et en relançant la croissance.-Réhabiliter les infrastructures essentielles, comme les routes et les hôpitaux. Etc…
Cinq mois plus tard, les espoirs s’amenuisent : la violence de l’insécurité continue de ravager la capitale et plusieurs régions du pays. Des terroristes avides de gagner plus de territoires, s’emparent du pays « quartier par quartier, ville par ville, maisons par maison ». Quand le slogan de Garry Conille est mis en œuvre par le regroupement terroriste « Viv Ansanm »? Paradoxal, non ?
A l’heure actuelle, l’Hôpital de l’Université d’État d’Haïti (HUEH) appelé également l’Hôpital Général, le plus ancien centre médical et le plus populaire de la capitale, ne fonctionne plus. Il est abandonné car des bandits ont assiégé la zone. Or, le PM de facto avait promis, lors de sa première visite le 9 juillet 2024, de reprendre contrôle du bâtiment. « Il faut reprendre le bâtiment. Il n’est en aucun cas une zone de guerre, une zone de conflit ni de confrontation», a lancé le chef du gouvernement.
Mais, le peuple haïtien, désabusé par une litanie de promesses non tenues, détourne son attention des discours politiques creux. D’ailleurs, la réalité quotidienne est bien plus préoccupante : chaque déplacement à Port-au-Prince est une danse avec la mort, orchestrée par des bandits impitoyables. « Plus de 700 000 personnes, dont plus de la moitié sont des enfants, sont aujourd’hui déplacées à l’intérieur du pays », souligne un rapport alarmant de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Alors, comment exiger des comptes quand la vie elle-même est une lutte incessante contre la faim, la peur, et le chaos ? Garry Conille, dans son apparente ignorance de la gravité de la situation, préfère noyer le poisson que de s’attaquer aux véritables problèmes.
Qui ne connaît pas que le coq, fringant oiseau de base-cour ne peut même battre ses ailes sans la bénédiction de l’aigle, son maître ?
En ce moment, les deux têtes de l’exécutif parlent de remaniement ministériel, comme si cela pouvait miraculeusement apaiser les souffrances du peuple. Pauvre Haïti, livrée à l’indifférence et l’insouciance de ses dirigeants !
Entre volonté et l’insouciance
Le comportement « ki mele m » de Conille comme chef du CSPN suite à l’attaque de Pont-Sondé, le 3 octobre dans le département de l’Artibonite, montre l’insouciance de ce gouvernement à résoudre le problème des gangs armés dans le pays. Ce massacre, perpétré par le gang de Savien, a coûté la vie à plus de 100 personnes sans défense. Ce crime odieux, qui aurait dû déclencher le déploiement des troupes kényanes et de nos policiers dans toutes les zones contrôlées par des gangs armés, a été négligé. Au lieu de prendre des mesures d’urgence, Garry Conille s’est envolé pour les Émirats arabes unis et le Kenya, reléguant au second plan la tragédie nationale.
Ce choix de privilégier des projets secondaires, alors que la situation s’aggrave à tous les niveaux, illustre parfaitement cette « politique de l’évitement » qu’aucun dirigeant marionnet, installé par des puissances impérialistes comme les États-Unis, ne peut se permettre d’ignorer. En effet, cette approche manipulatoire devient une stratégie incontournable pour ces dirigeants afin de se soustraire à l’urgence des véritables problèmes et au poids des promesses non tenues. En agissant ainsi, ils détournent l’attention du public des enjeux critiques, leur permettant ainsi de maintenir leur pouvoir tout en laissant les véritables défis non résolus.
Par ailleurs, les tensions croissantes entre Garry Conille et le Conseil Présidentiel de Transition, exacerbées par le récent scandale diplomatique lors de la 79e Assemblée générale des Nations unies à New York, et cette question de remaniement ministériel dévoilent le cynisme flagrant et l’opportunisme de nos dirigeants. Pour conserver leur pouvoir, ils sont prêts à tout, sacrifiant les intérêts de la nation sur l’autel de leurs ambitions personnelles. Même dans les moments les plus sombres de l’histoire du pays, nos dirigeants échouent lamentablement à s’unir pour le bien commun.
Alors que les dirigeants se querellent et que la scène politique s’enlise dans les conflits internes, la situation sécuritaire d’Haïti continue de se détériorer. Les gangs armés, de plus en plus audacieux, étendent leur contrôle sur des quartiers entiers de Port-au-Prince. Les habitants vivent dans la peur constante, pris en otage par des criminels qui défient l’autorité de l’État.
Le quartier de Solino, en particulier, est devenu le cible du groupe armé « Viv Ansanm ». Le bruit des fusillades, les incendies et les pillages rythment le quotidien de la population, tandis que les forces de l’ordre peinent à reprendre le contrôle. À Tabarre 27, à l’Arcahaie, à l’Estère, le scénario est le même : les gangs sèment la terreur, s’enracinent et renforcent leur emprise, profitant du vide laissé par un gouvernement plus préoccupé par les luttes de pouvoir que par la protection de ses citoyens.
Le mandat de Garry Conille, censé redresser Haïti, a été sciemment détourné pour s’attirer les bonnes grâces des États-Unis. Ce détournement rappelle une politique machiavélique où l’art de manipuler les responsabilités est devenu une norme. Conille semble suivre une stratégie délibérée, un « art de détourner un mandat », qui pourrait bien faire de lui un futur auteur, à l’instar de Sun Tzu avec « L’Art de la guerre ». Après son passage au pouvoir, il pourrait très bien rédiger un traité sur les subtilités et les stratégies fines nécessaires pour dévier de ses véritables responsabilités tout en préservant son image auprès de ses maîtres impérialistes.
Haïti, vivra !!!
Par : Makenson ERNÉUS & Wilsonley SIMON