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Dans les entreprises haïtiennes comme ailleurs, l’entretien d’embauche est devenu un rituel qui se transforme trop souvent en barrière pour une génération en quête de sa première chance. Diplôme en main, rêves dans les yeux, beaucoup de jeunes se retrouvent face à une série de questions répétées comme une litanie : « Combien d’années d’expérience avez-vous ? Où avez-vous déjà travaillé ? Combien de temps y êtes-vous resté ? »
Des questions en apparence anodines, mais qui pèsent lourd sur les épaules de ceux qui n’ont pas encore eu l’opportunité de franchir leur premier pas dans le monde du travail. Le paradoxe est brutal : il faut un emploi pour acquérir de l’expérience, mais il faut de l’expérience pour obtenir un emploi. Cercle fermé, porte verrouillée, silence qui étouffe des rêves avant même qu’ils n’éclosent.
Dans plusieurs témoignages recueillis, de jeunes candidats racontent une même frustration face aux exigences du marché du travail, où le CV semble souvent primer sur la motivation et le potentiel.
« On ne regarde pas ma volonté, on n’écoute pas ma passion. On ne lit que mon CV », explique un diplômé en psychologie. Pour beaucoup, ce fonctionnement laisse peu de place à l’énergie nouvelle que chaque génération apporte pourtant aux entreprises, une force capable d’insuffler des idées fraîches et de renouveler les équipes.
Cette réalité se retrouve dans les parcours de nombreux jeunes diplômés et techniciens, confrontés dès leurs premiers entretiens à la barrière de l’expérience exigée.
Daphnée, 25 ans, diplômée en comptabilité, se souvient encore de son premier entretien d’embauche :
« Lors de mon premier entretien, on m’a demandé cinq ans d’expérience. J’ai souri, mais à l’intérieur je me suis sentie invisible. Comment prouver ma valeur si personne ne me laisse commencer ? »
Même sentiment de découragement chez David, 27 ans, technicien en informatique, passionné par son domaine et largement autodidacte :
« Je suis passionné par les nouvelles technologies. J’ai appris seul à coder et à réparer des systèmes. Pourtant, on me dit que sans expérience formelle, je ne suis pas crédible. C’est décourageant. »
Sonia, 24 ans, diplômée d’un centre professionnel en hôtellerie, partage également ce constat. Malgré sa motivation, les portes restent fermées :
« Je rêve de travailler dans un grand hôtel. Mais à chaque entretien, on me demande où j’ai déjà travaillé. Je n’ai pas encore eu cette chance. Je voudrais qu’on me juge sur mon énergie et ma volonté d’apprendre. »
Un appel à changer les pratiques
Des spécialistes en ressources humaines et des pédagogues appellent à repenser la manière dont on interroge les jeunes. Plutôt que de demander uniquement des années d’expérience, ils suggèrent des questions qui ouvrent la porte aux rêves et à la motivation :
• « Quels rêves apportez-vous ici ? »
• « Comment aimeriez-vous grandir avec nous ? »
• « Qu’est-ce qui vous pousse à vous lever chaque matin ? »
Ces interrogations ne cherchent pas seulement l’expérience, mais la lumière dans les yeux.
Le travail comme espace pour bâtir l’expérience
Le travail ne devrait pas être un privilège réservé à ceux qui ont déjà des années derrière eux ou des parrains influents. Il devrait être un espace pour apprendre, pour grandir ensemble. Chaque jeune qui franchit la porte d’une entreprise porte une histoire, un battement de cœur, une vision. Fermer cette porte avec des questions qui n’ont pas de place pour les rêves, c’est tuer une part de notre avenir collectif.
La voix des jeunes
Malgré les obstacles, certains osent répondre avec leur vérité :
« Je n’ai pas d’expérience, mais j’ai de la volonté. Je n’ai pas beaucoup d’années derrière moi, mais j’ai une immense énergie devant moi. Donnez-moi une chance, et vous verrez comment je peux grandir. »
Par: Marjorie Gernelus