Auteur : Simon Wilsonley

Guy Mondelus, version Muscadin : quand la jungle remplace la loi

Il y a chez certains responsables haïtiens une étrange maladie contagieuse. Les médecins n’en parlent pas, mais le peuple la connaît. On l’appelle « Foli chèf ». Elle se traduit par un besoin compulsif de se mettre en scène, d’agir en dehors du cadre légal, persuadé que la loi n’est qu’un accessoire qu’on peut écarter. Le dernier contaminé c’est Guy Mondelus, commissaire du gouvernement d’Aquin. Et, comme par hasard, il marche désormais dans les traces de son désormais célèbre acolyte, le commissaire Jean Ernest Muscadin.

Ces deux-là, censés incarner la justice, finissent par adopter les mêmes méthodes expéditives que les criminels qu’ils prétendent combattre. Par conséquent, la ligne entre justice et banditisme s’efface, et la République se transforme en jungle.

La dernière scène qui fait scandale ? Une vidéo, massivement partagée sur les réseaux, montrant Mondelus à un check-point, tombant sur deux jeunes en route pour Les Cayes depuis Port-au-Prince.

Le commissaire, sûr d’être bien cadré par les caméras, dégaine en mode « bandition ». Arrestation express. Garde à vue express. Aucune preuve tangible… sauf qu’ils viennent de Canapé-Vert. Et, comble du crime, ils ont des tatouages.

En 2025, dans un pays qui se dit démocratique, il suffirait donc de porter des dreadlocks ou un tatouage pour être soupçonné d’appartenir à « Viv Ansanm ». Si ce n’est pas de la régression, qu’est-ce que c’est ?  

La Police nationale d’Haïti a officialisé l’affaire sur ses réseaux sociaux :

« Deux individus interpellés pour implication présumée dans des activités criminelles… »

Les noms, âges et photos des jeunes menottés ont été publiés. Le ton du message laisse croire qu’on a capturé Izo, Barbecue ou Ti Lapli. Et, pour faire bonne mesure, on précise : « Ils sont gardés à vue au commissariat des Cayes en attendant les suites judiciaires nécessaires. » Suites judiciaires ? Depuis quand ? Sur quelles bases ?

Personne ne conteste la nécessité de protéger la population. Mais protéger ne veut pas dire humilier. Agir en dehors de ses prérogatives, c’est alimenter un cycle de violence et d’injustice qui nourrit, au final, le même mal que l’on prétend combattre.

À la vérité, nous savons tous, autant que moi, que le problème n’est pas dans les dreadlocks ni dans les tatouages. Les vrais commanditaires de la violence, ceux qui arment les quartiers, n’ont ni locks ni encre sur la peau.  Ils portent d’ailleurs des cravates, se coiffent chez les meilleurs barbiers, et se déplacent avec escorte officielle.

Une cohérence à géométrie variable

Mondelus a récemment interdit les cagoules dans la commune d’Aquin. Initiative compréhensible. Mais alors : pourquoi ses propres agents de sécurité en portent-ils ?Et d’ailleurs, quelle disposition du règlement de la PNH autorise un policier à cacher son visage sous une cagoule ?

Le respect de la loi et de la dignité humaine ne se négocie pas. On ne peut pas remplacer la justice par le spectacle, ni la loi par l’arbitraire. Si les commissaires veulent vraiment restaurer la sécurité, qu’ils commencent par s’attaquer aux vrais réseaux criminels, pas aux jeunes qu’ils croisent au hasard, simplement parce qu’ils portent sur eux les symboles d’une jeunesse que l’État a laissée tomber.


Par : Wilsonley SIMON | RTMI 

simonwilsonley35@gmail.com

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Simon Wilsonley
Simon Wilsonley

Wilsonley Simon est journaliste, étudiant en Anthropo-Sociologie. Il est passionné de la Radio et d’écriture. Sa plume, guidée par une profonde conscience sociale, s'engage pleinement au service de son pays.

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