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Haïti traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire contemporaine. L’insécurité généralisée, marquée par l’expansion incontrôlée des gangs armés, plonge le pays dans un chaos quotidien où les populations civiles paient le plus lourd tribut. Ce phénomène, loin d’être un simple dysfonctionnement institutionnel, est le résultat d’un enchevêtrement complexe de complicités internes et d’influences internationales. Loin d’être un phénomène spontané, cette montée en puissance des gangs est facilitée par des acteurs politiques et économiques qui y trouvent un intérêt direct. Dès lors, comment expliquer cette impuissance des autorités haïtiennes à restaurer l’ordre public ? Quel rôle joue la communauté internationale dans l’aggravation ou la perpétuation de cette crise ? Et surtout, quelles pistes de solution peuvent être envisagées pour sortir Haïti de cette spirale infernale ?
Loin d’être un phénomène purement criminel, l’essor des gangs en Haïti s’inscrit dans une logique politique et économique bien définie. Depuis plusieurs décennies, les groupes armés ont été instrumentalisés par les élites politiques comme des leviers de contrôle électoral et de répression sociale. À chaque période électorale, ces gangs bénéficient de financements, d’armes et d’une certaine immunité judiciaire en échange de leur soutien à des candidats ou de la neutralisation d’opposants.
Parallèlement, la paupérisation croissante de la population a renforcé l’attrait des jeunes pour ces structures criminelles. Dans un contexte de chômage endémique et d’absence de perspectives, rejoindre un gang apparaît pour beaucoup comme une voie de survie. L’État, par son incapacité à garantir des services publics de base (éducation, emploi, sécurité), devient de facto un acteur facilitant l’expansion de ces groupes armés.
L’un des aspects les plus troublants de la crise actuelle réside dans la quasi-inexistence d’une réponse étatique efficace face aux gangs. Loin d’être un simple manque de moyens, cette situation s’explique avant tout par une collusion avérée entre certains segments de l’appareil d’État et les groupes criminels.
La Police nationale d’Haïti (PNH), censée garantir la sécurité publique, se retrouve aujourd’hui débordée, sous-équipée et infiltrée. De nombreux rapports indiquent que certains hauts gradés collaborent directement avec des chefs de gang, leur fournissant protection et informations stratégiques. De même, l’armée, qui aurait pu jouer un rôle clé dans la lutte contre ces groupes armés, demeure en retrait, paralysée par des enjeux politiques et un manque criant de ressources.
Cette défaillance institutionnelle ne peut être dissociée de la volonté délibérée des dirigeants de maintenir un climat d’instabilité, qui leur permet de gouverner sans opposition structurée. En fragmentant la société haïtienne et en instaurant un climat de peur permanente, ils assurent leur propre survie politique.
Si la responsabilité des autorités haïtiennes est indéniable, la communauté internationale joue également un rôle déterminant dans la perpétuation de la crise. Depuis plusieurs décennies, les interventions étrangères en Haïti se sont révélées inefficaces, voire contre-productives. D’une part, l’embargo sur les armes imposé par l’ONU n’a jamais empêché les gangs de se procurer des armements sophistiqués. Ces derniers proviennent majoritairement des États-Unis et transitent par des circuits clandestins, souvent avec la complicité de figures influentes en Haïti. D’autre part, l’aide internationale, censée renforcer les capacités de l’État, a souvent été détournée ou utilisée pour financer des initiatives sans impact réel sur la sécurité.
Par ailleurs, certaines puissances internationales entretiennent des relations ambiguës avec les élites haïtiennes corrompues. En soutenant des gouvernements défaillants sous prétexte de stabilité politique, elles contribuent indirectement à la consolidation d’un système où l’impunité et la criminalité sont devenues la norme.
Face à cette situation alarmante, la résignation ne peut être une option. L’histoire a montré que les changements majeurs en Haïti ont souvent été impulsés par des mouvements populaires. Il est donc impératif que la société civile, la diaspora et les forces progressistes s’unissent pour exiger une refondation de l’État.
Trois axes d’action sont essentiels :
Une pression accrue sur les dirigeants : Les citoyens doivent exiger des comptes aux autorités et refuser de cautionner les manœuvres politiciennes qui alimentent la crise. Cela passe par des manifestations, des actions de plaidoyer et une implication active dans le débat public.
La structuration d’alternatives locales : Face à l’effondrement de l’État, les initiatives communautaires doivent être encouragées. L’autodéfense citoyenne (bwa kale), bien que risquée, pourrait être envisagée sous certaines conditions pour protéger les populations vulnérables.
Un repositionnement de la diaspora : Les Haïtiens de l’étranger, qui jouent un rôle clé dans l’économie nationale à travers les transferts de fonds, doivent conditionner leur soutien à des engagements clairs en faveur du changement. Ils doivent également s’impliquer davantage dans les dynamiques politiques du pays.
En somme, Haïti est aujourd’hui à un tournant décisif. La crise sécuritaire actuelle n’est pas une fatalité, mais le résultat d’un système basé sur la corruption, la manipulation et la violence institutionnalisée. Tant que l’État restera un acteur passif, voire complice, dans cette dynamique, aucune solution durable ne pourra être envisagée.
Seule une prise de conscience collective et une mobilisation citoyenne peuvent inverser cette tendance. Il est temps que les Haïtiens, tant sur le territoire qu’au sein de la diaspora, rompent avec la peur et l’inaction pour imposer une véritable refondation de l’État. Car, l’avenir du pays en dépend.
Par : Johnny JESEPH , MED.