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En Haïti, les femmes ont toujours été des piliers essentiels de la société. Leur histoire, bien que marquée par l’oppression, la résistance et le courage, reste encore reléguée aux marges du récit national. Depuis l’époque coloniale jusqu’à aujourd’hui, elles ont lutté, souvent dans l’ombre, pour la survie, la dignité et la justice. Pourtant, malgré leur implication indéniable dans tous les pans de la vie sociale, politique et économique, leur combat reste enfermé dans un silence persistant. À l’occasion de la Journée nationale du mouvement des femmes, retour sur une lutte qui, trop souvent, se heurte à l’oubli.
Depuis l’arrivée des Espagnols sur cette portion de terre, les femmes qui y vivaient n’ont jamais été inactives. Bien qu’elles aient été confrontées à de nombreuses difficultés, elles ont toujours été engagées, et leur contribution sur les plans religieux, artistique et familial a été remarquable. En effet, « les femmes étaient responsables de la famille, elles habillaient les enfants, servaient de bêtes de somme, exécutaient toutes sortes de tâches, se consacraient à la poterie, créaient de l’art », et ont même participé à l’empoisonnement de l’eau, au marronnage et à la lutte contre les colons espagnols, a indiqué le groupement féministe Dantò dans une note publiée le 3 avril 2025. Malgré leur courage et leur détermination, la lutte des femmes haïtiennes reste souvent méconnue et sous-estimée.
En dépit de leurs efforts et de leur combat, leur contribution à l’histoire d’Haïti demeure largement oubliée. Comme le soulignait Madeleine Sylvain Bouchereau, cette histoire a été écrite par des hommes et pour les hommes. Par conséquent, le travail des femmes, leur influence morale, sociale et économique y trouvent rarement leur place.
À cet égard, le 3 avril 1986, comme le rappelle le groupement féministe Dantò, les femmes ont mené une lutte acharnée contre le régime dictatorial de François Duvalier. Toujours selon ce groupement, sans oublier leur implication dans la résistance contre l’occupation américaine, elles ont chanté, manifesté sans relâche pour dire non à la dictature, et se sont intégrées au système éducatif et politique haïtien en tant qu’actrices capables et qualifiées.
Après la catastrophe du 12 janvier 2010, qui a ravagé les départements de l’Ouest et du Sud, les femmes ne sont pas restées les bras croisés. Elles se sont relevées pour contribuer à la relance du pays. Même si elles ont été victimes de violences physiques et sexuelles, elles ont continué à participer activement à la vie économique et sociale, comme le rappelle les rapports des groupements féministes dans le Sud-Est. Pourtant, leur place reste encore souvent cantonnée aux tâches domestiques.
La situation en Haïti devient chaque jour plus préoccupante. En ce 3 avril 2025, la violence des gangs continue de faire rage, notamment dans la capitale. Les femmes, premières victimes de cette insécurité généralisée, sont violées, tuées ou contraintes à fuir leur domicile. Beaucoup vivent aujourd’hui en déplacement, sous des tentes de fortune, sans accès à l’eau potable, à la nourriture ou à des services sanitaires de base. Livrées à elles-mêmes, elles font leurs besoins dans la rue, exposées à tous les dangers, sans aucune forme de protection.
C’est dans ce climat de peur et de précarité que s’est tenue, à Jacmel, une conférence-débat à l’occasion de la Journée nationale du mouvement des femmes en Haïti, célébrée chaque 3 avril. L’événement, organisé par les groupes Femme et Action et Jeunes Activistes Féministes d’Haïti (JAFH), portait un thème simple mais percutant : « Kote fanm yo ? » (« Où sont les femmes ? »).
Une question qui fait écho à l’effacement et à la marginalisation dont les femmes sont victimes au sein de la société. Les participantes ont dénoncé avec force l’irresponsabilité de l’État face à la crise humanitaire actuelle, rappelant que ce sont les femmes qui, bien souvent, portent le fardeau de la survie familiale, dans l’ombre et sans reconnaissance.
Malgré des années de luttes, la condition féminine en Haïti semble reculer. Depuis la fin de l’année 2024, les témoignages s’accumulent : femmes et filles traquées, violées, assassinées par des groupes armés, que ce soit à Port-au-Prince ou dans certaines villes de province. L’impunité règne, et la réponse des autorités reste dramatiquement insuffisante.
Par : James Antoine
Journaliste rédacteur RTMI