Auteur : Simon Wilsonley

La destruction des mangroves : une menace grave pour la faune marine et la survie écologique

Chaque 26 juillet, la communauté internationale célèbre la Journée mondiale pour la conservation de l’écosystème des mangroves, une date instituée par l’UNESCO en 2015 pour rappeler l’importance cruciale de ces forêts côtières dans la lutte contre le changement climatique, la protection des littoraux, la biodiversité marine et la sécurité alimentaire. En Haïti, cette journée résonne comme un cri d’alarme.

La mangrove est un écosystème unique, composé de marais maritimes, de végétaux spécifiques – notamment les palétuviers rouges (Rhizophora mangle), noirs (Avicennia germinans) et blancs (Laguncularia racemosa) – qui se développent dans la zone de balancement des marées. Elle abrite une biodiversité exceptionnelle : poissons, crustacés, oiseaux, reptiles… et constitue une pépinière naturelle pour de nombreuses espèces.

Mais en Haïti, cet écosystème est en voie de disparition.

Selon la plateforme Global Mangrove Watch, moins de 30 % du littoral haïtien est encore couvert de mangroves, souvent sous forme de poches fragmentées. Historiquement, elles recouvraient jusqu’à 6 km à l’intérieur des terres. Aujourd’hui, elles sont décimées par la coupe abusive, le développement urbain anarchique, la pollution et l’expansion de l’agriculture et de l’industrie du charbon.

La destruction des mangroves engendre des conséquences désastreuses. Elles protègent les côtes contre les tempêtes et l’érosion, atténuent les effets des ouragans et séquestrent jusqu’à cinq fois plus de carbone que les forêts tropicales, selon la Banque mondiale.

Un hectare de mangrove peut générer chaque année jusqu’à 550 000 dollars en services écosystémiques (FoProBiM, 2013). Malgré cela, Haïti perd chaque année près de deux milliards de dollars en fruits de mer à cause de leur dégradation, selon plusieurs estimations environnementales.

Le 10 juillet 2013, un arrêté gouvernemental a interdit formellement l’exploitation des mangroves en Haïti. La pêche et la chasse à l’intérieur de ces zones sont également proscrites (article 3 de l’arrêté). Pourtant, le texte est resté lettre morte. Comme souvent, le verbe appliquer semble banni du vocabulaire de nos autorités.

Dans un pays où plus de 70 % de la population dépend du charbon pour cuisiner, les mangroves – riches en carbone – sont prisées. Selon Dario Noël du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), 10 m² de mangrove peuvent fournir trois semaines de charbon à une famille. Ce commerce illégal et destructeur sape les efforts de conservation et alimente la spirale de la pauvreté environnementale.

Le développement urbain sauvage, notamment dans les zones côtières, aggrave le problème. À Port-au-Prince, dans les quartiers comme Cité Soleil ou Carrefour, les populations détruisent la mangrove pour remblayer et construire des maisons précaires. En parallèle, les plastiques, omniprésents, empoisonnent la faune marine et perturbent les chaînes écologiques.

La mer haïtienne, loin d’être une ressource protégée, est devenue un vaste dépotoir. Carcasses d’électroménagers, déchets industriels, immondices : tout y est jeté sans ménagement. Et ce sont les pêcheurs, les communautés côtières et la biodiversité qui paient la note. Les mangroves, pourtant, forment un rempart naturel indispensable.

Haïti compte 75 villes côtières réparties dans ses neuf départements littoraux. L’importance des mangroves n’est donc pas seulement environnementale, elle est stratégique. Elles sont un atout de défense naturel contre la montée des eaux, un vivier pour la pêche, un filtre contre les pollutions marines, une arme contre le changement climatique.

Et pourtant, comme le souligne le rapport 2021 de l’Alliance mondiale pour les mangroves :

« La valeur des mangroves est énorme. Et, une fois comprise, elle rend presque impossible d’émettre un quelconque argument convaincant en faveur de leur disparition. »

La destruction continue des mangroves en Haïti n’est pas seulement le signe d’un effondrement écologique, c’est aussi l’illustration d’un État absent, d’une gouvernance aveugle, et d’une société qui consomme aujourd’hui ce dont elle aura désespérément besoin demain.

Haïti n’a plus le luxe de gaspiller ce qu’elle n’a pas encore totalement perdu. Protéger les mangroves, c’est préserver la vie. Il est encore temps de réagir, mais il faut que la volonté politique suive, que les lois soient appliquées et que l’éducation environnementale devienne une priorité.

Par : Wilsonley Simon

📧 simonwilsonley35@gmail.com

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Simon Wilsonley
Simon Wilsonley

Wilsonley Simon est journaliste, étudiant en Anthropo-Sociologie. Il est passionné de la Radio et d’écriture. Sa plume, guidée par une profonde conscience sociale, s'engage pleinement au service de son pays.

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