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CHRO-LIT est allé à la rencontre de l’écrivain Congolais Aimé EYENGUÉ, l’initiateur de la Fleuvitude qui nous explique l’essence du concept « Fleuvitude ».
Interview avec Aimé EYENGUÉ sur la Fleuvitude (Courant de pensées née en 2013).
CHRO-LIT : Vous êtes à l’origine du concept de Fleuvitude. Pouvez-vous nous en expliquer la genèse et la signification ?
Aimé EYENGUÉ : Ce concept est né de l’inspiration que l’observation de la nature du fleuve a laissé en nous, pour produire un effet littéraire, scientifique et politique. La Fleuvitude est donc notre attitude à tous, l’existence et le vécu humain en association au Fleuve ; c’est l’impact du fleuve sur notre nature et nos choix. Sachant que le Fleuve, c’est la direction, le sens, autrement dit le bon sens, ou le sens de la vie elle-même, en allant de la naissance à la mort… comme le fleuve, qui coule de sa source à l’océan, le long du temps qui passe sans passer et qui s’écoule depuis la nuit des temps. Plusieurs conceptions et intellections différentes ont déjà été générées par la suite par plusieurs auteurs différents dans cette dynamique, selon leurs perceptions personnelles… sur la même réalité que nous avons nommée Fleuvitude : d’où l’enrichissement de ce concept, qui peut être retrouvé partout, dans les ouvrages disponibles aux éditions de la Fleuvitude ou ailleurs et dans les réseaux sociaux (Groupe Facebook « La Fleuvitude »).
CHRO-LIT : Comment la Fleuvitude se différencie-t-elle de la Négritude ?
Aimé EYENGUÉ : Oui, il y a une différence évidente entre la Fleuvitude et la Négritude ; car, par nature, la Négritude est rattachée à la couleur de la peau (le noir) et la Fleuvitude est rattachée à l’eau. L’eau étant, bien entendu, commune à tous les êtres humains : selon les chercheurs scientifiques, tout corps humain, indépendamment de la couleur de sa peau, est composé à soixante-dix pour cent au moins d’eau ; comme l’on dit si bien, du reste, « L’eau, c’est la vie. ». Donc, la Fleuvitude, qui tient de l’eau, est la vie ; elle englobe tous les êtres humains ; tandis que la Négritude n’englobe qu’une partie des êtres humains : Écrire la Fleuvitude, c’est décrire la vie. Et, cela, dans toute sa globalité. Donc, la Fleuvitude englobe la Négritude, le Panafricanisme, le Réalisme, le Surréalisme, et tous les autres courants ayant existé et à exister dans le courant de l’Histoire. Nous l’appelons d’ailleurs le courant de tous les courants de pensées : il réunit le noir, le blanc, le jaune, le métisse (créolité), etc. et leur environnement.
CHRO-LIT : Quelle est la vision de la Fleuvitude sur le concept de “Nègre” et les luttes qui y sont associées ?
Aimé EYENGUÉ : Le concept de NÈGRE, qui est associé à la couleur de la peau des Noirs, qui a été avilie, mutilée, méprisée et rabaissée au cours des six derniers siècles, au point d’être à l’origine d’un sursaut de fierté, à savoir la Négritude (en quelque sorte « la réponse de la bergère au berger »), est un concept que la Fleuvitude se propose d’inclure et de sortir des seules considérations de peaux ou le racisme, dénonçant les injustices et les violences que les noirs ont subies, pour dire « plus jamais ça » entre les êtres humains, qui naissent tous égaux, pour cheminer ensemble de manière harmonieuse, en toute poésie. Car, la frontière, c’est la guerre, disons-nous souvent ; alors que la Fleuvitude c’est la paix et le mélange, le brassage culturel planétaire, pour le mieux-vivre-ensemble sans rapports toxiques ou belliqueux. Comme les eaux n’ont pas de frontières entre elles, les êtres humains ne devraient pas non plus avoir les frontières, ou les barrières, entre eux.
CHRO-LIT : La Fleuvitude se rapproche-t-elle davantage des pensées de Cheikh Anta Diop ou d’Aimé Césaire ?
Aimé EYENGUÉ : Étant l’art des confluences par nature, la Fleuvitude est proche des deux ; d’autant plus que Cheikh Anta Diop et Aimé Césaire ont brillamment milité pour la même cause, avec des formes de pensée différentes : scientifique pour le premier et littéraire et politique pour le second ; le tout pour la réhabilitation et la revalorisation de la civilisation noire. La Fleuvitude est la jonction de cette civilisation noire revalorisée par leur travail à d’autres civilisations de notre planète ; à l’instar des eaux, qui n’ont pas de frontières entre elles. Car, les temps sont sur les ponts et non derrière les murs, comme nous ne cessons de le rappeler : « l’universel c’est le local moins les murs », disait le Poète Miguel Torga.
CHRO-LIT : Quels sont les projets majeurs de la Fleuvitude pour cette année, et comment ce courant continue-t-il de se développer ?
Aimé EYENGUÉ : Les projets de la Fleuvitude demeurent encore et toujours, d’une année à une autre (depuis 2013, l’année de sa genèse), les conférences et les publications, servant à la diffusion planétaire du courant de pensées. La célébration, cette année, des 70 ans de la littérature congolaise d’expression française, terreau d’inspiration de la Fleuvitude, fait partie, par exemple, des projets de la Fleuvitude… qui professe inlassablement le retour aux sources qui constituent l’Humanité, ou le juste retour dans l’ordre naturel des choses, le retour à l’équilibre planétaire, donc à l’équilibre des forces, en luttant contre les déséquilibres et les injustices de tous ordres. Tout est visible dans le Groupe public Facebook La Fleuvitude.
Par : Feguerson Fegg THERMIDOR
Écrivain-poète
thermidorfeguerson@gmail.com
Biographies :
Aimé EYENGUÉ
Écrivain-poète et universitaire, Aimé EYENGUÉ est Docteur en Sciences sociales et diplômé en Sciences Politiques, des universités de Paris. Il s’intéresse à l’action politique et ses incidences sur le devenir des nations et l’action des peuples sur le devenir de l’action politique. Initiateur du Concept de la Fleuvitude, il est auteur de plusieurs ouvrages, dont Le Conseiller du Prince, pour Un Prince de la Paix (L’Harmattan, 2009) et l’Anthologie des 60 ans de la Littérature congolaise – Noces de diamant (dir., L’Harmattan, 2015). Ses deux derniers ouvrages majeurs, publiés à Montréal, aux éditions de la Fleuvitude, sont : L’Appel du Fleuve (2017) et Boire à la source (2018).
Feguerson THERMIDOR
Écrivain et poète, est né aux Gonaïves. Il étudie l’Anthropologie et la Sociologie à la Faculté d’Ethnologie de l’Université d’État d’Haïti, et développe une théorie qu’il appelle « Esthétique de la Douleur ». Il explore cette thématique dans l’ensemble de ses œuvres, cherchant à mettre en lumière les souffrances individuelles et collectives à travers une esthétique unique.