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« Ma révocation fut décidée, sans respect ni de l'arrêté ni de l'esprit de la loi », écrit-elle.

Révoquée en Conseil des ministres le jeudi 18 septembre 2025, la directrice générale du Fonds National de l’Éducation (FNE), Sterline Civil, n’entend pas plier. L’ancienne responsable, nommée le 18 février de la même année, a annoncé sa décision de contester la mesure devant la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA), estimant que sa révocation est « illégale et arbitraire ».

La fin de journée du 18 septembre a été marquée par une véritable tempête sur les réseaux sociaux. Dès l’annonce de sa révocation, Sterline Civil a réagi publiquement, affirmant son intention de rester en poste. Dans plusieurs publications, elle a dénoncé un « abus de pouvoir » et une atteinte au principe d’indépendance de l’institution.
Dans une correspondance adressée au président de la CSCCA, Sterline Civil développe ses arguments juridiques. Elle rappelle que, selon l’article 21 de la loi du 17 août 2017, le directeur général du FNE est nommé pour une durée de trois ans. Sa révocation ne peut intervenir que dans trois cas précis : corruption avérée, incapacité physique ou manquement grave.
Madame Civil souligne dans sa lettre que la décision prise en Conseil des ministres viole l’arrêté et l’esprit de la loi, transformant une fonction protégée en simple nomination politique révocable à tout moment.
« Ma révocation fut décidée, sans respect ni de l’arrêté ni de l’esprit de la loi », écrit-elle.
En parallèle, Sterline Civil met en avant son bilan de gestion. En sept mois, affirme-t-elle, le FNE a contribué à la réhabilitation de plusieurs établissements scolaires, au financement de programmes de soutien pour les parents d’élèves et à la mise en œuvre d’enquêtes administratives destinées à renforcer la transparence.
« Tout cela a été accompli avec un objectif clair : redonner sens et dignité à la mission éducative. Et pourtant, la réponse, au lieu d’une analyse lucide et honnête, se résume à un rejet teinté d’indifférence », déplore-t-elle.
Créé en 2011 et doté d’un cadre légal en 2017, le Fonds national de l’éducation (FNE) est présenté comme un instrument central de la politique éducative haïtienne. Alimenté par une taxe de 1,50 dollar sur les transferts d’argent internationaux et une redevance de 5 centimes de dollar par minute sur les appels entrants, il a pour mission de financer l’accès à l’éducation pour tous, de soutenir les universités, de construire ou réhabiliter des infrastructures scolaires et de contribuer à l’amélioration de la qualité de l’enseignement. Placé sous la responsabilité d’une direction censée être indépendante, le FNE doit en principe garantir une gestion transparente de ressources stratégiques estimées à plusieurs dizaines de millions de dollars par an.
Pour rappel : la Loi du 17 août 2017 a été votée au Sénat le 28 juin 2017 et à la Chambre des députés le 17 août 2017.
Pourtant, depuis sa création, l’institution traîne une réputation controversée, plusieurs rapports publics et critiques de la société civile dénonçant un risque de dérives clientélistes et l’usage du fonds comme un guichet financier du pouvoir plutôt qu’un véritable levier d’égalité éducative.
La directrice contestataire n’est pas exempte de reproches. Le directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Pierre Espérance, dénonce depuis des mois les dérives internes du FNE, pointant Sterline Civil comme une « marionnette » aux mains de son compagnon, Corvington Jean. Selon lui, c’est ce dernier qui dirigerait réellement l’institution, dans un climat d’intimidation où les employés travaillent sous pression constante. Espérance l’accuse d’avoir multiplié des nominations motivées par des intérêts familiaux, plaçant des proches à des postes stratégiques, alors même qu’il dénonçait jadis le népotisme de Fjina Delatour (PNCS) ou de Renan Hedouville (OPC).
Plus encore, Corvington Jean aurait cherché à manipuler la presse, distribuant de petites enveloppes pour vanter Sterline Civil et tentant de soudoyer les journalistes critiques. Autant d’accusations qui renforcent l’image d’un FNE gangrené par le clientélisme et l’instrumentalisation politique, loin de sa mission éducative initiale.
En concluant son recours, Sterline Civil dit appeler la Cour des comptes à rétablir le droit et à rappeler que l’indépendance du FNE ne saurait être sacrifiée aux querelles politiques. « Ce combat dépasse ma personne, il appartient à l’histoire et à la conscience de ceux qui refusent la résignation », écrit-elle dans sa lettre.
En attendant la décision de la CSCCA, le gouvernement a désigné Elysée Colagène, ancien cadre du ministère des Affaires étrangères, comme nouveau directeur général. Il reste à voir si la Cour annulera cette nomination et rétablira l’intéressée dans ses fonctions.
Par : Wilsonley SIMON | RTMI