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Au cœur de l’Artibonite, Petite-Rivière portait une tradition chère à ses habitants : la fête de Saint-Jérôme, célébrée chaque année du 27 au 30 septembre. Messes solennelles, processions religieuses, animations culturelles et pèlerinages de la diaspora rythmaient autrefois la vie de cette ville historique, surnommée « la cité aux 365 portes ».
Mais voilà quatre ans que le silence a remplacé les tambours et les cloches. Sous la pression des gangs armés qui contrôlent la région, des centaines de familles ont fui leurs foyers, contraignant les habitants à abandonner une tradition plusieurs fois centenaire.
Qui était saint Jérôme ?
Chaque 30 septembre, l’Église catholique commémore saint Jérôme, l’un des quatre grands Pères de l’Église latine. Né vers 347 à Stridon (dans l’actuelle Croatie), il fut un érudit passionné des langues et des Écritures. Baptisé à Rome à l’âge de 18 ans, il choisit la vie monastique et se retira dans le désert de Chalcis, en Syrie, où il partagea son temps entre prière, ascèse et étude.
Il apprit l’hébreu pour mieux comprendre les textes sacrés et approfondit sa formation théologique à Antioche et Constantinople, auprès de grands penseurs de l’Église grecque. Plus tard, appelé à Rome par le pape Damase Ier, il entreprit une œuvre gigantesque : la révision et la traduction de la Bible en latin.
L’œuvre monumentale de la Vulgate
La traduction de la Bible par saint Jérôme, connue sous le nom de Vulgate, est l’un des piliers de la culture chrétienne occidentale. Réalisée directement à partir des textes hébreux et grecs, elle permit une version plus fidèle et plus accessible aux fidèles latins. Fruit de plus de 20 ans de travail, la Vulgate devint progressivement la Bible officielle de l’Église catholique, reconnue lors du concile de Trente au XVIe siècle.
Au-delà de cette œuvre monumentale, saint Jérôme laissa également des commentaires bibliques, des lettres et des traités théologiques, marquant par son érudition, son style vigoureux et son profond attachement à la foi.
Saint Jérôme est aujourd’hui considéré comme le patron des traducteurs, des bibliothécaires, des érudits et des étudiants, un modèle d’ascèse et de dévouement.
Une identité culturelle en péril à Petite-Rivière
Si l’héritage spirituel de saint Jérôme continue d’inspirer l’Église universelle, la fête qui lui est consacrée à Petite-Rivière s’éteint peu à peu sous la menace armée. En effet, cette annulation répétée n’est pas un simple rendez-vous religieux manqué : elle symbolise l’effondrement d’une partie de l’identité culturelle de Petite-Rivière, puisque l’événement constituait non seulement un temps fort spirituel, mais aussi un espace de rassemblement et de transmission des valeurs collectives. Aujourd’hui, la peur et l’incertitude ont pris la place de la ferveur. Les rues jadis bondées sont désormais désertes, témoins muets de la barbarie qui s’impose.
Au-delà de sa dimension culturelle et religieuse, la fête de Saint-Jérôme représentait un souffle économique vital. Commerçants, artisans et petits entrepreneurs profitaient de l’afflux des pèlerins venus d’autres régions du pays et de la diaspora. La disparition de cette opportunité aggrave la précarité des habitants déjà fragilisés par la violence et le manque de perspectives.
Pour les habitants de Petite-Rivière et des zones avoisinantes, la disparition de cette fête est vécue comme une profonde blessure. Elle marque non seulement la fin d’une tradition, mais aussi la perte d’un repère collectif. Ramener la paix dans la commune apparaît désormais comme la condition essentielle pour permettre à Saint-Jérôme de retrouver son éclat et à Petite-Rivière de renaître.
Par : Ancy Dorélus | RTMI