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Quelqu’un a dit : « Sterline Civil, une Miragoânaise installée à la tête de la FNE, (Fonds National de l’Éducation). » Comme si le simple fait d’être originaire de Miragoâne rendait cette nomination exceptionnelle. Faut-il en conclure qu’une Capoise ou une Port-au-Princienne aurait obtenu ce poste naturellement, sans susciter la moindre remarque ? Miragoâne fait-elle partie d’un pays étranger ? Faut-il désormais considérer que tout ce qui vient de « la province » est une anomalie dans l’administration publique haïtienne ?
Si nous suivons cette logique, il existerait donc des centres du pouvoir légitimes et des périphéries administratives où l’accession aux responsabilités relèverait de l’exploit. Ainsi, l’origine sociale ou géographique d’un individu primerait sur ses compétences, réduisant le mérite à un simple jeu de hasard sociologique. Alors que le monde a changé : les villes ne sont plus des forteresses fermées, et l’administration ne devrait pas être un club réservé à une élite urbaine.
L’intégration dans une institution publique ne devrait dépendre que de critères objectifs et transparents, fondés sur les qualifications, l’expérience et la capacité à remplir la mission confiée. Or, en Haïti, ce sont souvent d’autres critères qui s’imposent tels que le capital social, c’est-à-dire les relations et le réseau d’influence, l’intelligence à la haïtienne, autrement dit l’art de naviguer dans les eaux troubles des arrangements informels, et bien sûr, l’origine sociale qui semble être une barrière ou un passe-droit selon les circonstances.
Par ailleurs, il faut cesser de penser en termes de centre et de périphérie. Le monde est un village, et tout individu, quel que soit son lieu de naissance ou son origine sociale, peut l’habiter et l’intégrer. Ce qui compte, ce ne sont ni les attaches géographiques ni les réseaux d’influence, mais bien les compétences et les ressources mobilisables pour s’élever et contribuer au bien commun. Il est absurde d’enfermer les citoyens dans des cases prédéterminées alors que la mobilité sociale et professionnelle devrait être ouverte à tous.
D’ailleurs, l’histoire nous offre de nombreux exemples prouvant que l’excellence ne se limite pas à un espace donné. Et Miragoâne n’est pas en reste ! Plusieurs de ses fils et filles ont marqué l’histoire, démontrant que la réussite ne dépend pas de l’origine sociale.
Prenons quelques exemples de certaines figures emblématiques du pays qui sont originaires de Miragoâne :
Émile Saint-Lot, l’un des diplomates haïtiens les plus influents du XXe siècle, qui a joué un rôle clé dans l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948 à l’ONU. Il était non seulement un grand orateur, mais aussi un acteur majeur du combat pour l’égalité des peuples.
Dans un tout autre registre, Anthony Pascal, dit Konpè Filo, a révolutionné le journalisme engagé en Haïti. On se souvient encore de son choix audacieux de présenter ses émissions en créole sur Radio Haïti Inter. Plus tard, avec son émission Kalfou sur Radio Télé Ginen (RTG), il a offert une tribune aux sans-voix et dénoncé les injustices sociales avec une rare audace.
Enfin, dans la littérature et la culture haïtienne, des grandes figures telles que Gary Victor, dont par rapport à ses œuvres, est considéré comme l’un des écrivains les plus influents de la littérature contemporaine haïtienne, et Jocelyne Trouillot, qui a contribué à la valorisation de la langue créole et à la promotion de l’éducation.
Alors, pourquoi en Haïti faudrait-il encore s’étonner qu’une Miragoânaise puisse diriger une institution publique comme la FNE ? Pourquoi considérer que certains viennent naturellement du « centre » et d’autres de la « périphérie » ? Il est temps d’admettre que le véritable problème ne réside pas dans l’origine des individus, mais bien dans un système où l’intégration repose encore trop souvent sur des logiques clientélistes et arbitraires. La vraie révolution ne serait pas de voir une Miragoânaise nommée à un poste important, mais bien d’instaurer un cadre de sélection où seuls les mérites individuels, et non les appartenances sociales, détermineraient l’accès aux responsabilités.
Par : Buscando ORELIEN