Auteur : RTMI

Haïti – 18 mai 2025 : une fête du drapeau entre solennité officielle et détresse populaire

Ce 18 mai 2025, Haïti commémore les 222 ans de son drapeau, cet emblème forgé dans le sang et la volonté de libération des ancêtres, au prix d’une lutte fondatrice contre l’esclavage et la colonisation. Mais aujourd’hui, cette commémoration nationale prend l’allure d’un simulacre républicain. Elle s’inscrit dans un paysage ravagé par l’effondrement de l’État, où le bleu et le rouge flottent désormais au-dessus d’un peuple en fuite, d’un pays en ruines, et d’une souveraineté mutilée.

Au lieu de symboliser l’unité et la fierté, la fête du drapeau de cette année souligne cruellement le divorce entre les élites dirigeantes et la majorité appauvrie. Dans une capitale abandonnée aux gangs, où 85 % des territoires seraient hors du contrôle des autorités, la population vit dans la peur constante. Les groupes criminels, désormais terroristes, notamment la coalition “Viv Ansanm”, imposent leur loi, provoquent des massacres, déplacent des milliers de familles, et défient sans peine ce qui reste de l’appareil sécuritaire de l’État.

Malgré l’arrivée annoncée de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) et les efforts de la Police nationale, la violence persiste, aggravée par la faiblesse stratégique du Conseil présidentiel de transition. Les évènements récents à Mirebalais, où plus de 500 détenus se sont évadés après une attaque de gang, illustrent la profondeur du chaos.

Selon les dernières données des Nations Unies, 5,5 millions de personnes en Haïti nécessitent une aide humanitaire immédiate. Plus de 5 millions vivent en insécurité alimentaire aiguë. Le système de santé est en agonie : seuls 40 % des établissements sont opérationnels. Dans les sites de fortune qui accueillent les déplacés internes, des familles entières survivent dans des conditions infrahumaines, sans eau potable, sans soins, sans protection.

Dans ce contexte, la commémoration nationale délocalisée au Cap-Haïtien – loin des stigmates de la capitale – prend un air de mascarade coûteuse. Alors que Port-au-Prince est cadenassé par la peur, les autorités ont choisi de célébrer “l’unité nationale” dans l’indifférence aux souffrances du peuple. Le déblocage de 400 millions de gourdes pour financer ces festivités a tout d’un affront. L’argent de l’État, au lieu de servir à nourrir, soigner ou protéger, se noie dans le faste d’une cérémonie creuse.

Fritz Alphonse Jean, président du Conseil présidentiel de transition, a profité de la cérémonie pour inviter les acteurs politiques à l’union nationale. Un appel à la concorde, certes, mais qui sonne creux au regard de la crise politique persistante, de l’absence d’autorité réelle, et du désespoir ambiant. Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, les transitions improvisées n’ont généré ni confiance ni stabilité. Les élections prévues pour novembre 2025 semblent de plus en plus hypothétiques.

Et le peuple, dans tout cela ?

La population, elle, n’a pas le luxe de la célébration. Elle survit. Elle fuit. Elle attend un sursaut. Une alternative. Une main tendue. Un changement réel. “D’où viendra le sauveur ?” se demande-t-on dans les quartiers incendiés de Delmas, les campements de Tabarre, les hôpitaux vides de médecins, les écoles fermées à cause de l’insécurité. La question demeure, poignante, tragique : le drapeau, oui. Mais pour qui ? Pour quoi ?

Car fêter l’identité nationale sans dignité sociale, sans justice, sans pain, sans sécurité, c’est agiter une étoffe creuse au-dessus d’un abîme. L’histoire d’Haïti mérite mieux que des discours convenus. Elle appelle à une révolution de vérité.


Par : Junaldo Previlus 

Partager

RTMI
RTMI

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *